Chroniques

par laurent bergnach

Béla Bartók
A kékszakállú herceg vára | Le château de Barbe-Bleue

1 DVD Decca (2008)
074 3254
production télévisuelle datant de 1981

Dans les écrits de Béla Bartók réunis par les Éditions Contrechamps (2006), on peut lire ce témoignage paru en mai 1918 :

« J'ai mis en musique le mystère intitulé Le Château de Barbe-Bleue entre mars et septembre 1911. C'est à la fois ma première œuvre scénique et ma première œuvre vocale. Le contexte, à l'époque, n'était pas favorable à la représentation de cette œuvre ; c'est donc seulement après que le Prince de bois fut porté à la scène que je l'ai présentée au comte Miklós Bánffy [directeur de l'Opéra de Budapest, ndr] et au chef d'orchestre Egisto Tango. Ils méritent toute ma gratitude pour n'avoir épargné aucun effort afin de la mettre en scène dans une interprétation d'un tel niveau. Olga Haselbeck et Oszkár Kálmán chantent eux aussi leur rôle avec une telle perfection que l'exécution fut pleinement à la hauteur de ce que j'imaginais. »

L'acte unique du seul opéra jamais composé par Bartók fut effectivement refusé par un jury de concours avant de voir le jour tardivement, livrant alors toute la hardiesse d'un langage nouveau qui régénérait l'opéra hongrois.

Tout en s'inspirant des symbolistes français, Béla Balázs fit paraître la pièce qui servirait au livret (juin 1910) en la dédiant conjointement à Bartók et Kodály – que l'on sait très attachés à la défense de leur culture. Reprenant les éléments du conte de Perrault (1697), l'écrivain transforme le château, les portes et les clés en symboles d'une allégorie sur l'échange et la confiance.

Cette production télévisuelle datant de 1981 affiche une esthétique années soixante-dix qui n'est pas dérangeante, vu le côté féérique de l'ouvrage. Peu importe ce que l'on découvre derrière les portes car c'est avant tout l'occasion d'échapper à l'oppression de ce château sans fenêtre et sans lumière qui ressemble davantage à une grotte. Livrant un chant sain et nuancé, Kolos Kováts et Sylvia Sass incarnent des personnages attachants et crédibles, elle Judith autoritaire, lui Barbe-Bleue résigné. À la tête du London Philharmonic Orchestra, Georg Solti nous envoûte grâce à une musique nerveuse dont il se garde d'accentuer le contraste.

LB