Chroniques

par laurent bergnach

Béla Bartók
Écrits

Contrechamps (2006) 340 pages
ISBN 978-2-940068-27-2
Béla Bartók | Écrits

Si estimables qu'elles soient, les dernières tentatives de regrouper l'ensemble des écrits de Béla Bartók se révèlent lacunaires. Membre du comité éditorial de Contrechamps, Philippe Albèra constate que « rien n'a été traduit des travaux qui, depuis près de trente ans, ont remarquablement renouvelé l'approche de la musique bartokienne, qu'il s'agisse des questions de langage musical ou des relations du compositeur avec le milieu culturel et intellectuel de son époque en Hongrie, si mal connu en France. »

À part quelques-uns trop brefs ou significatifs, et ceux liés à l'ethnomusicologie (un volume peut-être à venir ?), cette édition chronologique reprend la quasi-intégralité des textes traitant de musique composée, pour beaucoup inédits chez nous. Indispensable à ce projet de longue haleine, respectant le style sobre et précis du compositeur, Peter Szendy s'est chargé de la traduction et des annotations.

« Il est inquisiteur, impatient, toujours inquiet, mais il semble être à la recherche de quelque chose de déjà pressenti. – C'est avec une naïveté d'enfant, c'est par curiosité qu'il cherche. » Deux portraits (Béla Balázs) et quatre autoportraits ouvrent ce recueil d'entretiens, d'articles, d'essais, de conférences, de prises de positions diverses. Outre les analyses de ses propres œuvres – de Kossuth (1904) au Concerto pour orchestre (1944) –, on trouve ici plus d'une allusion au travail de Strauss (1905 et 1910), Liszt (1911 et 1936), Debussy (1918), Schönberg (1920), Kodály (1921), Ravel (1938) ou encore de Dohnányi et Stravinsky, cités fréquemment.

Mais le cœur de l'ouvrage consiste en une réflexion récurrente sur les racines artistiques. Sensible à l'autonomie de sa nation, Bartók fait paraître Sur la musique hongroise (1911) qui marque le début d'une quinzaine de textes polémiques cherchant à rendre compte d'un pays dans les « affres de la création », dénonçant les clichés attachés à la musique tsigane ou le dédain pour cette musique paysanne, simple mais jamais niaise, qui l'aide à s'échapper d'excès postromantiques.

Politiciens et musicologues dépassés, éditeurs et maisons de disques opportunistes, snobs et paresseux ne sont pas épargnés par un homme attentif, pour sa part, aux expériences du Bauhaus et aux effets sonores artificiels qui féconderont un après-guerre qui lui resterait inconnu.

LB