Chroniques

par laurent bergnach

Brigitte François-Sappey
Johannes Brahms – Chemins vers l’Absolu

Fayard (2018) 408 pages
ISBN 978-2-213-70164-6
La biographie de Johannes Brahms, par Brigitte François-Sappey

Professeur honoraire au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, Brigitte François-Sappey est connue pour de nombreux ouvrages sur le romantisme, voire le postromantisme, éclot en Allemagne. Après le couple Schuman, puis Mendelssohn, c’est la vie de Johannes Brahms (1833-1897) qu’elle met en lumière dans ce nouveau volume.

Dès les premières pages, ces mots du musicien, laissés peu avant sa mort, annoncent une certaine indépendance humaine et artistique : « Je dois aller mon chemin seul et en paix. Ce chemin n’a jamais croisé celui d’un autre ». Au début du voyage, pourtant, d’aucuns sont là pour le guider. Son père tout d’abord, qui l’initie aux instruments qu’il connaît bien (cor, violon, violoncelle), avant de le confier à un pianiste, vers l’âge de sept ans. Une douzaine d’années plus tard, quittant Hambourg pour Düsseldorf où Robert Schumann (1810-1856) exerce les fonctions de Director Musices, le jeune adulte trouve auprès de son confrère une relation spirituelle qui tient de la filiation et du passage de flambeau. « Je crains d’être trop et continument épris de lui », confie l’aîné un mois après la rencontre de celui qu’il tient pour un génie, tandis que le cadet, fidèle à jamais à celui qui l’a fait connaître aux éditeurs de Leipzig, écrit à sa veuve : « Toi et ton mari représentez la plus belle expérience de ma vie, son trésor le plus précieux et ses moments les plus nobles » (1892).

Souvent énoncé, l’amour pour cette figure maternelle qu’est Clara tient de la dévotion plutôt que de l’appétit charnel. Il n’est pas anodin de relever que son premier chef-d’œuvre a cappella, les Marienlieder (1859), témoigne d’une sensibilité toute catholique pour la Vierge, tandis que le décès de « Johanna, la simple et vieille mère » (1865) ravive la nécessité d’une ode funèbre imaginée, au départ, à la mort de Robert. Quoi qu’il en soit, la passion semble une maladie mortelle (« Il faut se soigner pour sauver sa vie ») à ce célibataire envahissant que Clara doit fuir à l’occasion.

La musique importe avant tout, dont Brahms fait l’apprentissage diversement, tout au long de sa vie : copie de partitions des maîtres anciens, réductions pour piano, direction d’orchestre ou de chœur, prestation soliste, enseignement, etc. Connaître le travail d’autrui le mène à mieux saisir ses envies, tel que rejeter l’aphorisme et la fresque, l’excès de couleurs et de forces symphoniques. « Plus que quiconque, écrit l’auteure, Brahms est le musicien de l’introspection, du for intérieur, de l’abat-jour ». C’est aussi celui du doute, écrasé par l’œuvre de Mozart, Beethoven et Wagner, mais fécondateur de la génération suivante, qu’a su rendre vivant la plume habile de notre docteur ès lettres.

LB