Chroniques

par bertrand bolognesi

Claudio Abbado et l’Orchestre du Festival de Lucerne
Gustav Mahler | Symphonie n°7

1 DVD EuroArts (2006)
205462
Claudio Abbado et l’Orchestre du Festival de Lucerne

Avec cette captation lumineuse de Michael Beyer, nous retrouvons Claudio Abbado qui fait une entrée chaleureusement saluée à l'Auditorium du Festival de Lucerne, en août 2005, où il poursuivait une intégrale des symphonies de Gustav Mahler, distillée plusieurs années durant. Après des Neuvième – à Rome, avec le Gustav Mahler Jugendorchester [lire notre critique du DVD] –, Cinquième et Deuxième [lire notre critique du DVD] de légende, cette exécution de la Symphonie n°7 en mi mineur par l'excellent Orchestre du Festival de Lucerne, constitué de prestigieux solistes, promet un grand moment.

Lors de la création à Prague en septembre 1908, dans un cadre paraissant peu propice, c'est l'enthousiasme des musiciens qui convainquit les premiers auditeurs de l'œuvre. Le public qui assistait au concert il y a deux ans n'avait pas, quand à lui, à émettre un jugement sur la partition, mais bien plutôt à en apprécier l'interprétation. Mais c'est également l'enthousiasme qui définira le mieux la vision qu'en imposait Abbado, ce soir-là, une fraîcheur et une vigueur désespérément juvéniles. Du premier mouvement, il souligne les ruptures de métriques et profite de la profondeur des cordes autant que de la qualité des cuivres. Le film justifie chaque changement de plan, nous invitant dans l'orchestration tout en réussissant à combler l'inévitable étroitesse de l'espace lorsqu'il est perçu à travers un téléviseur.

L'effervescence de la naissance des sonorités surprend dans la première Nachtmusik. Abbado nous en fait désirer le surgissement du thème. Il y développe le dialogue entre un geste général à la grâce onctueuse et une ponctuation ferme et virile, tout en révélant la grande richesse texturale de ce mouvement complexe. La marche tournera en ländler, bénéficiant de vraies et ingénieuses prises de risque avec la dynamique, extrêmement raffinée. Le mouvement y gagne autant de mystère que de joie. Le Scherzo virevolte dans une urgence angoissante, quelque chose de l'ordre du chaos. La hargne qu'y exploite le chef, jouant sur l'ironie, croise de lointains accents slaves qui rappellent où naquit le compositeur.

Après une amorce de violoncelle tout à fait wagnérienne, guitare et mandoline signalent l'incongruité de la seconde Nachtmusik, annonçant des alliages que l'on rencontrerait quelques années plus tard. Abbado en joue sans s'en repaître, avant d'imprimer au Rondeau endiablé une fièvre toute personnelle. Bref, cette série de publications ne démérite pas.

BB