Chroniques

par laurent bergnach

François Meïmoun
Entretien avec Pierre Boulez – La naissance d'un compositeur

Aedam Musicae (2010) 84 pages
ISBN 978-2-919046-00-3
Entretien avec Pierre Boulez – La naissance d'un compositeur

« Si quelqu'un vient à vous, ce n'est pas pour que vous le laissiez patauger à tort et à travers ; c'est dans l'espoir – même inavoué ou refoulé – que vous le contraindrez et que, par cette contrainte, il acquerra les qualités qui lui font défaut. […] Pour moi, la plus haute forme de la pédagogie n'est pas de répandre l'assurance et la certitude. Si l'on est, plus tard, reconnaissant envers un maître, c'est d'avoir soulevé en vous, plus que jamais, le doute et l'insatisfaction. […] Le meilleur élève sera donc pour moi le mauvais élève, celui qui se méfie ! » (Discipline et communication in Points de repère / Tome 1, Christian Bourgois, 1995)

Si nous commençons par citer les mots que Pierre Boulez prononça à Darmstadt en 1961, c'est que les pages d'entretien livrées ici ont pour objet ses années de formation et la naissance des toutes premières œuvres. La transmission du métier est un sujet qui l'a d'abord préoccupé comme apprenti : attiré par le piano que sa sœur jouait « comme une fille de bonne famille », le futur créateur passe d'un professeur à un autre, étudiant l'instrument à Saint-Étienne et l'harmonie auprès de Vladimir de Pachmann à Lyon, pour finalement s'inscrire au Conservatoire de Paris (1943). Là, au contact de Dandelot, Leibowitz et Messiaen, il sépare le bon grain de l'ivraie pour faire son propre pain.

En revenant sur ces années de guerre qui virent l'interdiction de créations françaises, sur les suivantes où il fallait s'émanciper des maîtres anciens sans singer les modernes, le compositeur et musicologue François Meïmoun montre sa connaissance précise d'une carrière. Revenant sur les premiers opus, joués ou perdus (Symphonie concertante, 1947), ses questions sont pertinentes et invitent Boulez à évoquer ses goûts de pianiste amateur, sa vision de l'improvisation, son rapport à Sartre, Foucault et Artaud, etc. Beaucoup de réponses sont connues, mais le créateur ne se dérobe pas lorsqu'un sujet est abordé, sur lequel il s'est « plus rarement exprimé ».

LB