Chroniques

par laurent bergnach

Grażyna Bacewicz
œuvres variées

1 CD DUX (2011)
DUX 0701
quatre pièces chambristes signées Grażyna Bacewicz

Après Maria Szymanowska (1789-1831), Grażyna Bacewicz est la deuxième compositrice polonaise à atteindre un succès nationale et international, tant critique que populaire. Née à Łódź le 5 février 1909, c’est son père Wincenty (d’origine lituanienne) qui lui donne ses premières leçons de piano et de violon avant qu’elle se produise en concert à partir de sept ans. En 1928, en parallèle d’études philosophiques, elle intègre le Conservatoire de Varsovie où elle perfectionne la pratique du premier instrument avec Jozéf Turczyński et celle du second auprès de Józef Jarzębski. Venue quelques années à Paris, sur les conseils de Karol Szymanowski et grâce à l’aide financière de Paderewski, son apprentissage de la composition débuté avec Kazimierz Sikorski se poursuit auprès de Nadia Boulanger, tandis qu’André Touret puis le Hongrois Carl Flesch sont ses nouveaux professeurs de violon.

À partir de 1936 (année de son mariage), elle devient soliste principale au Wielka Orkiestra Symfoniczna Polskiego Radia (Orchestre Symphonique de la Radio Polonaise), alors sous la conduite de Grzegorz Fitelberg, puis fait entendre sa musique de façon clandestine durant la guerre avant d’enseigner au Conservatoire de Łódź, à la fin du conflit. Suite à un grave accident de voiture survenu en 1954, la musicienne finit par se consacrer exclusivement à la composition, jusqu’à sa mort à Varsovie, le 17 janvier 1969. Son catalogue inclut nombre de partitions pour cordes en général – sept quatuors ou encore la Symphonie que l’on retrouve dans ce deuxième volume consacré à son répertoire de chambre – et pour le violon en particulier – sept concerti, cinq sonates avec piano, trois sonates en solo, etc.

Très attentive à la tenue et à la clarté de ses œuvres – elle utilise souvent l’image de la pile de briques qui se tient ou s’effondre –, Grażyna Bacewicz présente une carrière en trois périodes : celle appelée néo-classique, placée sous l’influence de Szymanowski et de Boulanger ; celle qui voit naître son propre style dans la même mouvance (1944-1958), durant le règne de Staline, dix années après l’Armistice ; enfin l’ultime, vouée aux expérimentations (sonorisme, dodécaphonisme, aléatoire, post-modernisme, etc.). À son frère Vytautas Bacevičius, compositeur lui aussi, elle écrit en mars 1947 : « la musique peut-être simple ou compliquée, cela dépend du compositeur, mais elle doit être bien construite. […] J’ai jeté mes vieilles compositions. J’y ai vu beaucoup de choses que je n’aime pas, alors pourquoi les garderai-je ? ».

D’emblée, les Sinfonietta (1935) et Symphonie (1946) pour orchestre à cordes affichent leur parenté par leur caractère globalement enjoué, d’une douceur champêtre non dénuée de touches d’inquiétude, voire nauséeuse. Plus que les suivants, leur mouvement introductif interpelle par un ton vif et mordant, pour la première, et par une riche fraîcheur, pour la seconde – rappelant l’énergie compacte de Bartók et Chostakovitch. Dirigés par Maciej Żółtowski (ancien élève de Zoltán Peskó, Youri Simonov et László Tihanyi), les treize membres du Radomska Orkiestra Kameralna (Orchestre de Chambre Radom, créé en 2007) y font preuve d’allant et de pureté sonore.

Comparé à ces pièces orchestrales, le Quatuor pour quatre violons (Kwartet na czworo skrzypiec, 1949) paraît d’abord bien maigrelet et monocorde. Sa formation originale convient mieux au mouvement médian, Andante tranquillo, au lyrisme berçant. Pour finir, Lucjan Szaliński-Bałwas, Marcin Król, Anna Skowronek Gruszczyńska et Satomi Tagashira gèrent avec rigueur ses multiples bondissements. De couleur plus sombre, Quartetto per 4 violoncelli (créé en 1964, au Festiwal Warszawska Jesień) surprend par sa Narrazione fragmentaire, laquelle conserve cependant une souplesse et une urgence familières. Pizz’ et glissandos parcourent Riflessioni, sous les doigts habiles d’Arkadiusz Dobrowolski, Szymon Kremien, Barbara Piotrowska et Konrad Bukowian.

LB