Chroniques

par laurent bergnach

L’art des sons
un portrait de Pierre Henry

1 DVD Idéale Audience International (2007)
Juxtapositions 11
un portrait de Pierre Henry

Le présent reportage s'inscrit dans la célébration des quatre-vingt ans de Pierre Henry (né le 9 décembre 1927), un anniversaire marqué notamment par la sortie d'un coffret de trois CD d'œuvres inédites (8.0) et par un concert à Radio France – prétexte à rendre hommage à Maurice Béjart, disparu quelques jours plus tôt. Est-ce parce qu'il se définit comme le « chef d'orchestre d'un seul instrument », bien avant d'être compositeur et dans la tradition des grands solistes, que le musicien apparaît tellement atypique ?

Le début du parcours s'avère pourtant des plus classiques (études au Conservatoire de Paris avec Olivier Messiaen, et Nadia Boulanger), mais la rencontre du jeune timbalier et percussionniste avec l'ingénieur de formation Pierre Schaeffer va bouleverser les destins autant que l'approche du phénomène musical. C'est alors la naissance du GRM (Groupe de Recherches Musicales) et de ses expérimentations. La Symphonie pour un seul homme (1950) est signée à quatre mains, œuvre fondatrice de la musique concrète mais aussi prélude à une – inévitable ? – séparation.

À part évoquer le plaisir des sons entendus dans l'enfance (ruisseau, oiseaux et trains) et son envie d'une œuvre rentable qui l'animait à l'époque du GRM, Pierre Henry revient peu sur le passé, tant il semble gâté par le présent et en éveil des possibles futurs. Ce sont donc des images d'archives qui témoignent de nombreuses rencontres avec le public, à Bordeaux (un concert couché, 1967), Avignon (Messe pour le temps présent, 1970), Paris (Ceremony, avec le groupe Spooky Tooth, 1970), Hambourg (Kyldex, 1973), Lisbonne (10ème remix, 2006), etc. – sans parler des concerts à domicile.

Une des œuvres du musicien se nomme Labyrinthe ! (2003). C'est dans un univers dédaléen, entre des murs abritant escaliers, livres, peintures concrètes et milliers de bandes audio dans leur boîte, que notre hôte définit la musique qui l'intéresse comme un autoportrait, un art du choix, un acte de vie et de langage, une tapisserie colorée où l'utilisation d'une chasse d'eau, par exemple, participe au théâtre sonore. Une répétition de Voile d'Orphée (1953), proposée en bonus, témoigne de l'importance de la spatialisation pour le cérémonial du concert.

Au magazine Jade n°12 (1997), le compositeur confiait : « J'ai parfois l'impression de faire du cinéma, mais du cinéma sans images ». Documentaire ou fiction, le 7ème art s'est en tout cas emparé de sa musique électro-acoustique depuis longtemps – 1948, pour être précis, avec Voir l'invisible –, comme le prouve Le candidat (1966), court-métrage politico-onirique de Gérald Belkin offert en complément de programme. Une association qui confortera les détracteurs dans l'idée que l'art des sons de Pierre Henry n'est peut-être que du bruitage…

LB