Chroniques

par bertrand bolognesi

Piotr Tchaïkovski
Concerto pour piano Op.23 n°1 – Francesca da Rimini Op.32

1 CD Harmonia Mundi (2003)
HMU 907323
Piotr Tchaïkovski | Concerto pour piano n°1 – etc.

On peut le constater de concert en concert : la nouvelle génération de pianistes russes est tout à fait exceptionnelle, et parmi ses plus brillants représentants, on remarquera tout particulièrement Olga Kern qui enregistrait en août dernier le Premier Concerto Op.23 de Piotr Tchaïkovski que présente aujourd'hui Harmonia Mundi. Notre première approche de la talentueuse artiste s'était faite grâce à un disque rendant compte de sa victoire au prestigieux concours Van Cliburn il y a deux ans. Cette parution nous avait alors incités à aller l'écouter lors d'un court récital dans le cadre des Midis musicaux du théâtre du Châtelet où l'on découvrait une pianiste extraordinaire, jouissant d'une technique irréprochable mais surtout d'un grand sens musical et d'une expressivité presque sauvage, toujours d'à-propos. On la retrouvait, plus fougueuse que jamais, à Montpellier en juillet 2002 avec une sonate de Barber à couper le souffle, une Messe Noire de Scriabine saisissante, et les redoutables Îles de Feu de Messiaen qui lui valaient un triomphe largement mérité. Elle se produira à l'Auditorium du Musée d'Orsay le mardi 20 janvier à l'heure du déjeuner dans un programme entièrement russe (Scriabine, Balakirev, Taneïev, Rachmaninov) : un très grand moment de musique en perspective, assurément, que nous ne manquerons pas.

Ici, c'est donc dans le Concerto Op.23 n°1 composé par un Tchaïkovski de trente-quatre ans que nous retrouvons Olga Kern, accompagnée avec précision mais sans beaucoup de relief par le Rochester Philharmonic Orchestra que dirige Christopher Seaman, Britannique volontiers défenseur du répertoire russe romantique. L'introduction de l'Allegro est assez lourde, mais il est regrettable que cette inertie paralyse toute l'œuvre. On remarquera cependant des solos joliment réalisés, mais, là encore, sans génie. Certes, un orchestre exagérément présent aurait nui à l'ensemble, il faut en convenir ; mais un entre-deux bien dosé – ce qu'Abbado a su faire pour la version d'Ivo Pogorelich, il y a quelques années, par exemple – dynamiserait l'exécution. Au piano, la jeune femme déploie une énergie mesurée, d'autant impressionnante qu'elle est parfaitement canalisée, jusqu'à en paraître inépuisable. On lui reconnaîtra de vraies qualités de coloriste, et un style d'une grande intelligence, comme en témoigne le choix très fin de sonorité de l'Andantino. Cette version possède un grand souffle sans avoir recours à une surenchère ; elle sert la musique, pas le spectacle. Qu'on ne s'y méprenne pas, pourtant : le son est généreux, la nuance merveilleusement conjuguée, avec sensibilité (jamais sensiblerie, merci madame !). On rêve de pouvoir entendre Olga Kern dans cette page au concert avec un orchestre aux cordes plus fiables...

La lecture qui suit de Francesca da Rimini, fantaisie d'après Dante, composée deux ans plus tard, révèle un chef soudain plus entreprenant, moins effacé, qui utilise les forces de l'orchestre judicieusement. Signalons une couleur en général intéressante, et une mobilité de tempo salutaire.

BB