Chroniques

par stéphanie cariou

récital Chœur de Chambre Philharmonique Estonien
Grigorjeva – Nogard – Schnittke – Sisask – Tulev

1 SACD Harmonia Mundi (2004)
HMU 807331
récital Chœur de Chambre Philharmonique Estonien

Après un premier volume consacré à divers compositeurs baltes avec le Chœur de Chambre Philharmonique Estonien, Paul Hillier en consacre un second à la musique sacrée, soit aux trois types de christianisme pratiqués dans les régions baltes et slaves : orthodoxe, catholique et protestant. Comme toujours, lorsque l'on écoute ce répertoire, l'âme vagabonde – n'est ce pas le but de la musique religieuse que d'élever l'âme ? – et part dans d'autres dimensions, tant les chœurs donnent l'impression d'être irréels, presque désincarnés, et en même temps d'une grande limpidité, comme pour communiquer une sorte d'espoir.

Les pièces ici proposées sont teintées des traditions du chant religieux en général. Les textes choisis appartiennent tantôt à la liturgie, tantôt à la littérature, et sont de très belle qualité. Le catholicisme est représenté par deux compositeurs estoniens. Les cinq chants du Gloria Patri d'Urmas Sisack sont riches, variés, avec un ensemble de sonorités assez déroutantes, et dégageant un parfum de mélancolie et d'ambiguïté. Le Surrexit Christe Dominus est puissant ; le Omnis Una, avec ses basses qui chantent la mélodie accompagnatrice des voix du dessus qui en présentent une autre, plus sombre ; le Benedicamus ressemble à une sorte de cri de joie, le Oremus est très flottant, et le Confetimi Domino consiste en un dialogue très enlevé entre les solistes et le chœur. Et qu'avec moi dans le silence il n'y ait que toi de Tolvo Tulev est dédié aux religieuses de l'ordre semi contemplatif des Brigittins établi à Pirita en Estonie. Le texte mêle une version en italien et en malayalam (langue parlée au Kerala, une région de l'Inde dont sont originaires certaines religieuses) du Salut Marie, et un poème de Jean de la Cruz, mystique espagnol. L'ensemble est plus austère – moins chantant, plus psalmodique –, mais l'idée novatrice est d'écrire un chant sur une langue différente de celle qu'on entend dans les églises européennes.

Le Danois Per Norgard représente le protestantisme. Son Winter Hymn, d'après un poème d'Ole Salvig, est une communion de la nature et du sacré. Le chœur accompagne et chante un ensemble de très jolies mélodies. Pour finir, les compositeurs Galina Grigorjeva (Ukrainienne vivant en Estonie) et Alfred Schnittke (Russo-allemand) représentent le culte orthodoxe. Les chants de la première, À l'heure du trépas, sont un mélange des liturgies slavonne et grégorienne. Si Seigneur, aie pitié est assez simple, les Odes sont plus fouillées : dans la première, les voix de femme accompagnent une mélodie chantée par un ténor (à l'inverse du Omnis Una de Sisask), avec des chants d'oiseaux et un triangle ; les suivantes ne comportent que des voix masculines. Kondakion est assez serein, Ikos très sobre. On y sent l'espoir prendre le pas sur la frayeur. Assez amples, les Trois Hymnes sacrés de Schnittke présentent deux chœurs très doux qui encadrent un élément central plus intense.

Ainsi se clôt ce panorama encourageant du renouveau de la musique savante sacrée en Europe, dont certains morceaux sont enregistrés ici pour la première fois. Une expérience à renouveler plus souvent !

SC