Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Prisma
Il transilvano – ponts musicaux entre Italie et Hongrie vers 1600

1 CD Éditions Ambronay (2020)
AMY 312
L’ensemble Prisma nous fait voyager dans la forêt italo-magyare du Settecento

Quelle belle idée que de rassembler en un album la tradition populaire magyare et la musique italienne du settecento ! Voilà le pari passionnant qu’a relevé Prisma, quatuor fondé en 2014 par des musiciens issus des conservatoires d’Hanovre et de Brême, invité par le Centre culturel de rencontre d’Ambronay, dans le cadre d’eeemerging, un projet de soutien, à l’échelle européenne, aux jeunes ensembles spécialisés en musique baroque et ancienne. Franco-allemands, hongrois et israélien, les artistes de Prisma, après une résidence en Hongrie, se sont produits en tournées à travers la Transylvanie, cet erdély montagneux où sonnent roumain, hongrois, allemand, yiddish, romani, bulgare, russe ou encore serbe. Au fil de concerts donnés en Slovénie et en Tchéquie, ce parcours Mitteleuropa s’enrichit encore, stimulé toujours par l’enracinement des deux solistes hongrois dans un folklore qu’ils partagent volontiers avec leurs camarades.

Outre de s’aisément justifier au regard de l’Histoire et d’une vague hongroise née dans la péninsule à la faveur des noces de Béatrice de Naples et de Matthias Ier, monarque amoureux de la Renaissance italienne, cette subtile croisée des cultures, sérieusement assise sur une connaissance indéniable de nombreuses sources – Il transilvano de Diruta, entre autres, fameux traité d’orgue édité dans la Sérénissime en 1593 –, s’apparente à un mouvement du cœur, tout générosité, qui entraîne l’auditeur vers un voyage des plus précieux.

Entre ballades, chansons, danses et toccatas, Élisabeth Champollion, Franciska Hajdu, Dávid Budai et Alon Sariel conjuguent leur talent, via huit instruments – dont la voix, en toute simplicité. Le théorbiste et contrebassiste Gábor Juhász vient leur prêter main forte dans cette courtoise épopée ethnobaroque, pour ainsi dire, dont la tendresse et la fraîcheur sont particulièrement émouvantes. Aussi ce CD des Éditions Ambronay fait-il la preuve de la compatibilité entre démarche scientifiquement renseignée et prodigue partage humain, comme il en est peu. Loin de s’écouter sous cloche de verre dans quelque cabinet de curiosités, par-delà certaines sonorités surprenantes, c’est par une présence infiniment dense que séduit Il transilvano (les interprètes ont adopté pour titre global la référence vénitienne évoquée plus haut). On ne s’en lasse pas !

BB