Chroniques

par laurent bergnach

récital Simone Beneventi et Andrea Rebaudengo
Aperghis – Fedele – Ohana

1 CD Stradivarius (2016)
STR 37059
Simone Beneventi et Andrea Rebaudengo jouent Aperghis, Fedele et Ohana

Habitués à jouer leurs contemporains au sein de différentes formations spécialisées – Algoritmo, Ex-Novo, Klangforum Wien, etc. pour l’un ; Sentieri Selvaggi pour l’autre –, Simone Beneventi (né en 1982) et Andrea Rebaudengo (né en 1972) se réunissent pour défendre un programme de duos (duels ?) percussion et piano. Conçu autour de trois créateurs du bassin méditerranéen, sa particularité est de mettre en avant, à tour de rôle, la peau (Ohana), le bois (Aperghis) ou le métal (Fedele).

La pièce la plus ancienne s’avère la dernière des Douze études d’interprétation (création en 1983 pour le Premier livre, 1986 pour le Deuxième) de Maurice Ohana (1913-1992), qu’enregistrèrent notamment Florent Jodelet et Jean-Efflam Bavouzet, voilà un quart de siècle (Harmonic Records). De ces études qui se soucient plus de sonorité que de technique, selon la musicologue Christine Prost, Imitations – Dialogues fut ainsi saluée par Harry Halbreich : « L’osmose intime explorée pour la première fois par Bartók dans sa célèbre Sonate pour deux pianos et percussionest poussée ici jusque dans ses retranchements les plus secrets avec un raffinement insurpassable ». Cette page de huit minutes présente des climats contrastés, de même que s’opposent le feutré des peaux et l’aigu d’un clavier digne de Messiaen et Debussy.

Comme avant lui l’élève de Casella délaissa Casablanca, Georges Aperghis (né en 1945) quitte Athènes pour Paris, y offrant l’écoute sinon la primeur d’opus qui questionnent le langage et le sens – Paysage sous surveillance (2002), Contretemps (2006), Happy End (2007), Happiness Daily (2009), Les Boulingrin (2010), Luna Park (2011), etc. Sa musique aimant dialoguer avec d’autres formes d’art, la trouver nue, sans trace d’une voix comme dans Quatre pièces fébriles (1996), est presque un événement. Et pourtant… D’emblée, le silence sert d’écrin aux jacassements réguliers d’un pianomarimba volubile, avant l’agitation furtive d’un « carillon monomaniaque » (dixit Roberto Fabbi, dans la notice). Une pièce apaisée, sorte d’adagio transitif, ouvre la voie à un finale véloce.

Terminons avec l’œuvre qui donne son titre à l’album : Duals, écrite en 2016 pour nos artistes qui l’enregistrent en première mondiale. L’attrait d’Ivan Fedele (né en 1953) pour la percussion n’est pas nouvelle, comme en témoigne la création de Stabat Mater, voilà dix ans, qui l’utilisait face à un chœur [lire notre chronique du 25 novembre 2007]. Ici, l’Italien convoque les instruments métalliques seuls, strictement répartis dans les cinq chapitres du cycle. Très rythmique, une première partie livre des ruissellements scintillants (gong chinois, bols tibétains), des rebonds caoutchouteux (steel drum) et des cavalcades nerveuses (cymbales). Plutôt fondée sur la résonnance, la seconde apparait comme extatique (vibraphone, glockenspiel), jusqu’à en devenir inquiétante (cloches plates).

LB