Chroniques

par laurent bergnach

récital Trio Steuermann
Borowski – Schönberg – Webern

1 CD Hortus (2016)
130
Le Trio Steuermann joue Borowski, Schönberg et Webern

Fondé en 2011, le Trio Steuerman réunit Maiko Matsuoka (violon), Christophe Mathias (violoncelle) et Anne de Fornel (piano), musiciens issus de divers conservatoires supérieurs (Chōfu, Stuttgart, Lyon). Après un premier disque sorti chez Hortus en 2012, saluant l’héritage du franco-suisse Pierre Wissmer (1915-1992), la formation grave aujourd’hui deux transcriptions célébrant Arnold Schönberg (1874-1954) et Anton von Webern (1883-1945), ainsi qu’une pièce originale de Johannes Boris Borowski (né en 1979), un élève de Kyburz, Stroppa et Mainka qu’on joue de plus en plus [lire notre critique du CD].

Si après 1945 les aînés on souhaité rompre avec des conventions entretenues de Beethoven à Chostakovitch, c’est au mépris de certaines possibilités expérimentales d’un effectif qui, précise le cadet du programme, « autorise une grande richesse de sons et d’expressions à la fois riche et complexe, tout en étant très exigeante en raison des contraintes liées aux différents types d’articulation et d’intonation du piano et des cordes ».

Voilà trois ans, Borowski confiait aux Steuermann la création de son Trio avec piano [lire notre chronique 24 novembre 2013]. Connaissant de longue date chaque instrumentiste, il souhaitait rendre actives leurs capacités individuelles tout en créant des moments où la formation ne serait pas en territoire familier, au fil de deux sections fort différentes en émotion et densité – « les mêmes personnes ne sont plus les mêmes lorsqu’elles changent subitement de contexte ». Séduisant, ce quart d’heure au rythme dru, tendrement tendu, présente une âpreté bien dans le sillage de Webern.

Inspiré par les cinq parties du poème éponyme de Richard Dehmel, mais aussi par Brahms et Wagner, Schönberg écrit en trois semaines une musique à programme pour sextuor : Verklärte Nacht Op.4 (1902). Souvent arrangée – pour orchestre à cordes par son auteur lui-même, pour piano par Zsolt Tempfli, etc. –, l’œuvre le fut aussi par Eduard Steuermann, pianiste de la création du Pierrot Lunaire Op.21 (1912). Introduite par une désolation funèbre, la pièce développe un lyrisme tranquille puis plus appuyé qui peint la tourmente avant l’apaisement et la sérénité. Nos interprètes y excellent dans la justesse et la nuance.

Enfin, autre témoin du langage tonal postromantique, voici Langsamer Satz (écrit en 1905, mais créé en 1962). Transcrit par Michel Mathias, ce mouvement pour quatuor à cordes de jeunesse « développe un caractère idyllique, dans un style brahmsien qui témoigne de l’enseignement de Schönberg » – dixit Alain Galliari dans sa biographie de Webern, alors fou amoureux de sa cousine Wilhelmine [lire notre critique de l’ouvrage].

LB