Chroniques

par laurent bergnach

récital Zoltán Kocsis
La Roque d’Anthéron (2002)

1 DVD Idéale Audience International / Mirare / Naïve (2003)
DR 2100 AV 103
Zoltán Kocsis à La Roque d'Anthéron, en juillet 2002

Les Pianos de la Nuit est une collection de récitals enregistrés en public lors du Festival International de Piano de La Roque d'Anthéron en juillet-août 2002. Réalisées spécialement pour le DVD, ces interprétations virtuoses ont vocation à constituer dès aujourd'hui les archives classiques du XXIe siècle. Zoltán Kocsis fut filmé le 29 juillet 2002.

C'est avec un jeu ténu et concentré, dans Beethoven, que le pianiste démarre son riche programme. Sa Sonate pour piano en mi mineur (extraits) est très contrastée, avec une vraie construction du son. D'être tonique et percussif n'empêche pas le pianiste d'apparaître moelleux dans l'Allegro. Le Rondo qui suit nous laisse entendre une sonorité très schubertienne, avec certains passages joués comme un lied.

C'est justement Schubert qui vient ensuite. La Sonate pour piano en mi mineur (extraits) est jouée avec beaucoup de force, comme une œuvre de Beethoven : le Moderato se teinte d'un certain sens du tragique. L'Allegretto, chantant comme il faut, s'achemine vers un très beau final, grâce au pianiste qui n'hésite pas à contraster l'œuvre, sur un registre toujours viril. On aura particulièrement admiré la réalisation de beaux gruppetti et de piqués très précis.

C'est avec beaucoup de nuance dans la sauvagerie que Kocsis aborde l'Allegro moderato qui débute la Sonate pour piano de Bartók. Le pianiste contrôle son clavier, regarde ses mains... La cadence est assez lente par rapport à d'autres interprétations quasiment endiablées. Le Sostenuto e pesante s’avère beau et mystérieux ; l'Allegro molto, avec son écho folklorique, est dynamique et rebondissant à souhait.

Les extraits de Gyermekeknek (Jeux) de Kurtág sont une autre source d'émotion. D'abord parce qu'on en joue rarement un aussi long passage et ensuite parce que la caméra nous offre parfois un regard sur la partition manuscrite qui sert de repère. Le jeu est précis et assez aphoristique.

La Rhapsodie de Liszt, avec ce ton farouche et recueilli qui rappelle La Pensée des morts, est jouée très délicatement. Il y a dans ce lyrisme quelque chose de martial, mais sans raideur de tempo. Le decrescendo sur la reprise de l'exposition est superbe. Le côté vraiment moderne de Liszt est ensuite rendu grâce à un beau travail d'articulation, dans les Jeux d'eau à la Villa d'Este. Il y a là beaucoup de délicatesse et d'esprit, mais peu de travail de couleurs. Est-ce dû au piano lui-même, aux graves vacillants depuis le départ, qui n'en finit pas de se désaccorder durant cette prestation ? Sunt lacrymae rerum et Csárdás macabre terminent le cycle consacré au Hongrois. Ce dernier morceau, précis, nuancé avec contraste, est porteur d'une jubilation entretenue tout au long, qui va au-delà de la prouesse technique.

Pour finir, retour à Bartók, avec des extraits de For Children. Après tant de pièces virtuoses, c'est émouvant de voir un bis fait de piécettes toutes simples, offertes au public avec beaucoup de délicatesse, de tendresse et d'expressivité. Remercions le réalisateur Janos Darvas d'avoir su être doux dans ses éclairages, sobre dans son montage, nous rendant l'essentiel de ce beau récital grâce à une discrétion bienvenue.

LB