Chroniques

par michel slama

Vivre et mourir pour l’art et l’amour
un portrait de Maria Callas

1 DVD TDK (2005)
DV-DOCMC
un portrait de Maria Callas

Après un portrait très réussi de Montserrat Caballé [lire notre critique du DVD], TDK nous en propose aujourd'hui un autre, original, consacré à la fin de la carrière scénique de Maria Callas. Son titre – Maria Callas, vivre et mourir pour l'amour et la musique – et le résumé au verso, tentent de prévenir l'acheteur éventuel qu'il ne s'agit pas d'une énième compilation de témoignages et d'interviews, mais d'une étude présentant un regard nouveau sur la vie amoureuse et la fin de carrière de la chanteuse.

À partir d'extraits d'images privées et de témoignages scéniques de la Divine, pris entre 1959 et 1965 où elle chante Tosca régulièrement à Covent Garden, à l'Opéra de Paris et au Met', le réalisateur Steve Cole tente de reconstruire l'énigme d'une chute prématurée qui la conduira à l'épuisement, le 7 juillet 1965, son ultime apparition dans un opéra complet. Il était donc tentant d'effectuer un parallèle immédiat avec ce rôle que Callas interpréta plus de quarante fois. Elle en laissa deux enregistrements pour EMI, dont le premier – avec di Stefano, Gobbi et de Sabata au pupitre – demeure une référence absolue qui n'a jamais été égalée.

Cole nous propose de comparer l'histoire de Tosca avec ce que vivait Callas à l'époque, ce qui nous vaut une analyse parfois pesante – acte par acte, scène par scène – de l'œuvre, où chaque intervenant croit bon d'ajouter une paraphrase plus ou moins justifiée. Je laisse au lecteur le soin d'apprécier la transposition d'un Scarpia en Onassis que Tosca (Callas…) exécuterait bien volontiers, pour sa trahison avec Jackie. Mais qui donc serait Cavaradossi ?

Les rares témoignages vidéo que nous possédons nous offre à deux reprises – Paris, 1958 et Londres, 1964 – le second acte de cet ouvrage, inestimables captations de celle qui marquera à jamais toute une génération de chanteurs et de mélomanes. À ce titre, les interventions des chanteurs Tito Gobbi, (son partenaire et complice à la scène), Plácido Domingo et Grace Bumbry sont instructives : ils nous décrivent comment la Callas a modifié les données dramatiques à l'opéra. Par son spectaculaire régime amaigrissant, elle rendait enfin plausible une Traviata phtisique, transformait Tosca en sex-symbol, toute de féminité, de sensualité et de fragilité bien humaine, loin des matrones jalouses, hystériques et obèses qu'on supportait encore à cette époque. Elle a su créer et instituer une nouvelle dimension dramatique qui ferait référence dans la façon que nous avons aujourd'hui de concevoir les opéras.

Les autres interventions ne sont pas de la même qualité : on regrettera qu'un Zeffirelli, génial metteur en scène de la Tosca de 1964 à Covent Garden, se laisse aller à des confidences douteuses sur la vie privée, en grimaçant de façon assez insupportable ; que le biographe Nicolas Gage affirme de façon définitive des contre-vérités ou des faits à scandale, sans réel fondement ; que l'actrice Judi Dench et le chef Antonio Pappano débitent des banalités, l'ensemble de ces commentaires se limitant à des personnalités anglaises, liées à la vie lyrique de leur pays. Aucun témoignage de Georges Prêtre, qui avait si bien connu la diva, encore moins de Jacques Bourgeois ou de Michel Glotz, de Lord Harwood, ni de son véritable biographe John Ardoin…

Il faut donc supporter le scoop – hélas, crédible – concernant l'accouchement d'un fils (Omero) conçu entre Maria et Onassis, mort-né le 30 mars 1960. Les biographes, tout en évoquant cette possibilité (en général, bien plus tard, vers 1968), n'en ont jamais apporté la preuve formelle. M. Gage, lui, en est certain et va même jusqu'à exhiber un certificat au nom de Omero Lengrin et une photo que la Divine n'aurait jamais quittée… Intrigué par les faits, j'en ai étudié de près la chronologie et dois bien reconnaître qu'entre le 21 novembre 1959 où elle chante Medea de Cherubini à Dallas et le 24 août 1960 où elle donne une représentation de Norma à Epidaure, Maria Callas ne se produisit dans aucun concert ou opéra ; il n'y a rien ! Les biographes ont l'habitude de raconter qu'après les deux années noires que subit la chanteuse (1958 et 1959), les théâtres ne se pressaient plus pour lui proposer des engagements ; elle se sentait décliner et n'aurait plus eu le fameux feu sacré. La vestale Norma va mourir cinq ans plus tard au profit de Maria, la femme qui souffre et survivra douze ans à la Diva.

Très bien illustré par de superbes photos démontrant l'incroyable beauté de l'Assoluta à cette époque de sa vie, ce DVD offre un passionnant reportage, astucieusement mis en images, reconstituant le premier acte de la Tosca de Londres, de nombreuses séquences vidéo sur la vie avec Onassis, dont le mariage avec Jackie Kennedy, ainsi que des images d'archives à Londres, à Paris et à New York de l'ambiance de ses derniers jours, comme star incontestée de l'art lyrique. Pour finir, on ne négligera pas trois bonus extraits de Tosca, déjà connus, mais indispensables.

MS