Chroniques

par anne bluet

Witold Lutosławski
œuvres pour orchestre (vol.8)

1 CD Naxos (2003)
8.555763
Witold Lutosławski | œuvres pour orchestre

Né et mort à Varsovie, Witold Lutosławski (1913-1994) est passé du domaine folklorique – sous l'influence de Bartók – à l'avant-garde dans les années soixante. Le présent enregistrement (le huitième paru chez Naxos, consacré à l'œuvre orchestrale du compositeur polonais), réalisé par divers solistes, polonais pour la plupart, et l'Orchestre Symphonique de la Radio Polonaise, placés sous la direction du très précisAntoni Wit, signale un peu cette première période, et ce concentre principalement sur les quinze dernières années de travail du compositeur.

Dance Preludes représente un sommet de sa première période de composition, « un adieu au folklore » comme le définit lui-même son créateur. Pièce pour clarinette et piano à l'origine (1954), elle fut orchestrée en 1955 et donnée pour la première fois en 1963, au Festival d'Aldeburgh, par Gervase de Peyer, l'English Chamber Orchetra et Benjamin Britten. Elle est ici donnée par Zbigniew Kaleta dans une chaude sonorité.

Le Double Concerto fut commandé par le célèbre chef d'orchestre suisse Paul Sacher à l'attention du hautboïste Heinz Holliger et de sa femme Ursula, harpiste. Il fut donné en août 1980 par deux percussionnistes et douze cordes (Orchestre de Chambre de Bâle). La dimension de l'orchestre reste ouverte, à partir de parties de cordes solistes pouvant être assurées par un seul instrumentiste ou un pupitre. Le hautboïste Arkadiusz Krupa et le harpiste Nicolas Tulliez font entendre une pièce extrêmement ornée qui put rappeler certains traits des trois concertos de Maderna.

Composée en mémoire du critique et musicologue Stefan Jarociński (décédé l'année de la création précédente), Grave est sous-titrée Métamorphoses pour violoncelle et piano. La pièce fut créée à Varsovie en avril 1981 et arrangé, l'année suivante, pour un ensemble de treize cordes. Parce que Jarociński était réputé pour sa connaissance de l'œuvre de Debussy, Lutoslawski se réfère ici à la scène de la forêt qui ouvre Pelléas et Mélisande. L'on en goûte avec cet enregistrement une exécution joliment articulée, entre autre par le violoncelliste Rafal Kwiatkowski.

Première d'un cycle de trois, Chain I est une commande de Michael Vyner pour les quatorze musiciens du London Sinfonietta. La création eut lieu à la capitale anglaise par cette formation, durant le mois de juillet 1983. Elle semble montrer assez distinctement une continuité entre le passé ethnique de Lutoslawski, les acquis de la carrière, et sa facture des dernières années. C'est par sa clarté que la version des musiciens de la Radio Polonaise se distingue ici.

Les quarante-cinq Children's Songs ont été écrites entre 1947 et 1959. Huit sont présentées ici, toutes composées à partir de textes de Julian Tuwim (1894-1953). Peu connu en France, Tuwim fut l'un des piliers du groupe poétique d'avant-garde Skamander. Érotisme et innovations linguistiques marquent ses œuvres de jeunesse – d'une vitalité liée au retour à l'indépendance de la Pologne – mais ils furent vite remplacés par une amertume et une angoisse existentielle. La politique vint ensuite dominer son œuvre et sa vie (exil en Roumanie, puis au Brésil à partir de 1939, rapprochements des milieux communistes à son retour au pays...) mais sans faire oublier qu'il était également l'auteur de poèmes pour enfants, très populaires. Les deux premières chansons datent de 1948, les six autres de 1947. On y trouve une berceuse, une drôle de comptine absurde ou encore un air plein de mélancolie... C'est la mezzo-soprano Urszula Kryger, qui gravait il y a quelques temps les Chansons Polonaises de Francis Poulenc avec Pascal Rogé, qui chante ces charmantes miniatures avec beaucoup de grâce.

AB