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Chroniques
à la découverte de Mateo Flecha El Viejo
Cantoría & guests : Ensaladas
Ensemble vocal spécialisé dans l’interprétation de la polyphonie ibérique de la Renaissance, Cantoría a tissé des liens privilégiés avec le Festival d’Ambronay. Associée au Centre Culturel de Rencontre (CCR) d’Ambronay, la formation espagnole est soutenue depuis 2019 par le programme de coopération européenne EEEMERGING+. Elle a participé à l’Académie d’Ambronay en 2021 et publié un disque chez Ambronay Éditions. Autant dire que ses artistes sont très familiers des lieux et de la salle Monteverdi à l’acoustique flatteuse où se produire devant un public fidèle qui a vu naître et grandir cette jeune pousse.
Cantoría est un quatuor vocal qui chante habituellement a cappella, mais ce soir c’est dans une configuration Cantoría & guests qu’il se présente, accompagné par les trois musiciens Joan Seguí à l’orgue, Marc de la Linde à la viole de gambe et Jeremy Nastasi à la vihuela, instrument cousin du luth. Le programme s’intitule Ensaladas, du nom du recueil Las Ensaladas de Mateo Flecha El Viejo (1481-1553), compositeur auquel l’ensemble porte un intérêt particulier – Ensalada en espagnol, soit salade en français, pour désigner ces extraits qui mélangent diverses influences, entre musiques profane et sacrée, thèmes sérieux et comiques. Le programme est présenté par le ténor Jorge Losana, qui assure également la direction musicale par seulement quelques gestes discrets, tant ces artistes ont l’habitude de jouer ensemble, pour ce qui concerne la sûreté rythmique, la musicalité et l’écoute de chacun, assurées tout du long.
Mateo Flecha El Viejo se taille en effet la part du lion dans le programme, avec sept extraits chantés, de courtes parties instrumentales des trois compositeurs Antonio Cabezón (1510-1566), Luis de Narváez (ca.1526-1549) et Diego Ortiz (1510-1570) s’intercalant entre ceux-ci. La variété d’écriture de Mateo Flecha est frappante dans ces pages interprétées en espagnol, entre les rythmes guillerets cadencés par les accords à la vihuela (Gloria… pues nació, El Jubilate, El Fuego) et des ambiances plus belliqueuses (El Toro, La Guerra, La Justa, La Bomba) où l’adversaire Belzébuth ou Lucifer est régulièrement cité. Les onomatopées présentes (fa ri ra ri ra ri ra, ti pi tipi tin, pirlin, etc.) amènent aussi une étonnante touche de modernité dans ces pages pourtant très anciennes.
Les voix y sont équilibrées avec goût, les instruments prenant uniquement la fonction d’accompagnateurs. Le soprano Inés Alonso, l’alto Oriol Guimerà et la basse Oriol Quintana complètent le quatuor, avec le ténor déjà cité. C’est souvent le soprano qui domine, naturellement et plutôt habituellement lorsque ces quatre types de voix jouent ensemble, une jolie voix très musicale et expressive. Le public, qui fait salle pleine pour ce concert donné à 18h, ovationne ces Espagnols du pays en quelque sorte, à l’issue d’un programme où ce répertoire trouve un lieu idéal pour être joué, dans une juste réverbération.
Au cours du concert du soir, la mort soudaine et terrible du baryton Alejandro Meerapfel [lire notre chronique d’Orfeo] endeuille artistes, public et l’organisation du festival tout entière. En plein milieu de l’oratorio Il Dono della Vita eterna d’Antonio Draghi, dirigé par Leonardo García Alarcón et sa Cappella Mediterranea, le chanteur argentin s’est écroulé, atteint par une attaque cardiaque. Malheureusement, il ne put être ranimé et décéda sur place. Nos pensées émues vont à ses proches.
IF