Chroniques

par bruno serrou

édition du cinquantenaire

Musique en Côte Basque / Églises de Saint-Jean-de-Luz et d’Ascain
- 1er et 2 septembre 2010
Aldo Ciccolini au festival Musique en Côte Basque
© dr

Fondé voilà un demi-siècle par Pierre Larramendy, alors premier adjoint et futur maire de Saint-Jean-de-Luz à l’occasion du trois-centième anniversaire du mariage de Louis XIV dans ce petit port de l’océan à un jet de pierre de la péninsule ibérique avec l’Infante d’Espagne, Marie-Thérèse d’Autriche, le Festival Musique en Côte Basque, pérennisé depuis afin de renforcer l’attractivité de la station balnéaire au-delà des deux mois d’été, est aujourd’hui l’un des grands rendez-vous de l’arrière-saison festivalière en région Aquitaine.

« En cinquante ans, rappelle Jean-Michel Barate, Président du comité d’organisation du festival, nous avons connu maintes vicissitudes, notamment des aléas du contexte politique local et financiers. Mais nous avons maintenu le cap artistique, sans jamais flancher. Nous avons sauvé la manifestation en nous tournant vers la Région Aquitaine et, surtout, le Département des Pyrénées-Atlantiques. Les artistes, sous l’impulsion de Jean Darnel, son indéfectible directeur artistique, n’ont pas cessé de nous soutenir, en particulier Aldo Ciccolini, venu pour la première fois à Saint-Jean-de-Luz en 1949, dans la foulée de sa victoire au Concours Long-Thibaud ».

Ciccolini est toujours là, fidèle entre les fidèles.
C’est lui qui a donné le coup d’envoi de l’édition du cinquantenaire, avec pour cadre exceptionnel l’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz, celle-là même qui fut le témoin du mariage du Roi Soleil en 1660. Ce récital a attiré les foules, la jauge de 1200 places ayant été largement atteinte. Ciccolini, qui avait donné la veille un demi-récital devant un parterre choisi constitué des animateurs et mécènes les plus constants du festival, n’a – hélas ! – pas bénéficié d’une acoustique favorable, celle de la belle église luzienne étant exécrable, noyant sous un épais brouillard de sons et de résonances aux strates désespérément sans limites les œuvres de Chopin sélectionnées par le pianiste franco-italien (Nocturnes Op.48, Tarentelle Op.43, Mazurkas Op.59, Polonaise-Fantaisie Op.61) qui se sont faites monochromes, fantomatiques, s’enchaînant les unes aux autres de façon atone comme s’il s’agissait d’une même œuvre de quarante minutes d’une platitude désespérante.

La seconde partie, en revanche, écoutée dix rangs plus près du piano, a permis de retrouver un pianiste au sommet de sa forme, dans des Tableaux d’une exposition de Moussorgski aux climats et aux couleurs infinis. L’âge n’a pas de poids sur l’artiste sitôt qu’il est assis devant un clavier, jouant un piano précis, exalté par une musicalité éblouissante, sollicitant un nuancier infini (des ppp de velours jusqu’à des fff d’airain). Trois bis pour conclure, un Rameau rayonnant, un Elgar onirique, un Granados pyrotechnique.

Quelques kilomètres plus à l’est de Saint-Jean-de-Luz, en l’église d'Ascain, au bois chaud et à la mesure de la musique de chambre, le Quatuor Pražák a donné un concert digne de sa réputation, dans un répertoire qui leur est idiomatique - Smetana (Quatuor n° 2), Janáček (Quatuor n° 1), Schubert (Quatuor n° 14 « la jeune fille et la mort »), avec en sus le sempiternel bis qu'est le final du Quatuor « Américain » de Dvořák et, en prime, le scherzo du Quatuor « le Cavalier » de Haydn, devant un public médusé, qui découvrait la formation tchèque attiré par le seul quatuor de Schubert, au point de s’avouer décontenancé en bloc par Smetana, jugé ennuyeux, et Janáček, déstabilisant. Les couleurs somptueuses et l'ardeur du jeu des Pražák a pourtant de quoi convaincre même les plus récalcitrants, malgré de légères imperfections du côté du nouveau premier violon, Vaclav Remes, qui joue un Lorenzo Guadagnini de 1730 et dont les harmoniques manquent de pureté et de précision.

BS