Chroniques

par bertrand bolognesi

épisode 9 – London Symphony Orchestra
John Eliot Gardiner joue Berlioz, Mendelssohn et Schumann

Festival Berlioz / Château Louis XI, La Côte-Saint-André
- 30 août 2014
John Eliot Gardiner dirige le London Symphony Orchestra au Festival Berlioz
© delphine warin | festival berlioz

Sans doute est-ce le concert le plus attendu et le plus couru de l’édition 2014 du Festival Berlioz. En effet, le prestigieux London Symphony Orchestra ne se produit pas si souvent sur le sol français et moins encore dans nos festivals d’été. Mais plus encore, c’est la présence de John Eliot Gardiner, grand berliozien, qui excite le mélomane et vaut à la petite cité dauphinoise une fréquentation grouillante, avec cette soirée qui bravement affiche « complet ».

Meeresstille und glückliche Fahrt Op.27 de Felix Mendelssohn (1828) ouvre ce moment privilégié, dans une nuance d’une indicible lumière. Outre l’exceptionnelle qualité de chaque timbre de la formation britannique, on goûte le dessin général savamment fondu d’une lecture presque pointilleuse. Pourtant, et malgré des clarinettes et des bassons merveilleusement colorés, mais aussi une flûte solo magnifique, cette exécution ne décollera pas. On regrette l’impact trop cru accordé à la timbale. En revanche, l’éclat des trompettes est heureux.

Dans une inflexion volontiers chambriste, Gardiner engage le Concerto pour violoncelle en la mineur Op.129 de Robert Schumann (1850). Du coup, l’on perçoit à sa juste mesure le boisé précieux du Goffriller que joue Gautier Capuçon, un instrument puissant avantagé par un liant précis des registres et une réponse facile de la nuance. Mieux encore, chaque trait des divers pupitres vient dialoguer avec une saine clarté, favorisant bientôt les échos et relais entre l’écriture solistique et le rang de violoncelles, en une sorte de connivence de la « nature sonore », pourrait-on dire. Capuçon prend certains risques avec la dynamique, fort adroitement adoptés par le contrepoint de Rebecca Gilliver (première violoncelliste du LSO). Ce concerto demeure cependant en-deçà des promesses de l’affiche, tenues au delà des espérances mélomaniaques après l’entracte.

John Eliot Gardiner convoque cette fois toutes les troupes londoniennes qui donnent quatre extraits de la symphonie dramatique Roméo et Juliette Op.17 de Berlioz lui-même (1839). Près d’une vingtaine d’années avant Wagner et les chromatismes dramatiques de Tristan und Isolde, le compositeur français décrivait la profonde tristesse de l’amant shakespearien par une sinuosité comparable que servent ici des violons remarquables. Le déploiement progressif des effectifs en présence ravit bientôt l’écoute. Encore la précision des pizz’ de violoncelles sur les phrases des bois est-elle une véritable énigme à elle seule. Sous l’élan indescriptible d’un Gardiner incroyablement inspiré, les passages plus véhéments font directement sens. À cette verve formidable répondent des traits solistiques d’une telle évidence qu’ils ne semblent pas même avoir fait l’objet d’un soin particulier ! Entre méditation fluide, drame absolu, bluffante tonicité, onctuosité magique des alliages timbriques et mélopée funèbre, ces pages sont traversées de contrastes étonnants.

Bravo !

BB