Chroniques

par bertrand bolognesi

œuvres de Mantovani, Rihm et Schönberg
Trio Recherche

Musica / Parlement Européen, Strasbourg
- 26 septembre 2004
© universal

Depuis exactement vingt ans, l’ensemble Recherche fait entendre la musique de notre temps, jouant principalement la seconde École de Vienne et toutes les esthétiques qui, de près ou de loin, en sont issues. Trois de ses membres se produisent volontiers ensemble, explorant un répertoire privilégié pour un effectif qui reste difficile et exigeant, tant pour les instrumentistes que pour les compositeurs.

Melise Mellinger au violon, Barbara Maurer à l’alto et le violoncelle de Lucas Fels donnent ce matin un concert d’une grande qualité. De Bruno Mantovani, nous entendons You are connected, trio d’une facture brillante au travail pleinement maîtrisé pour une forme d’une unité qu’on pourra dire parfaite, soumise à un indéniable sens de l’observation et de l’écoute. La lecture du Trio Recherche s’avère fort contrastée, un rien théâtrale, maniant les dynamiques avec une faconde joueuse particulièrement attirante.

S’enchaîne le Trio Op.45 d’Arnold Schönberg, tout imprégné d’une analyse introspective de son propre parcours comme de l’histoire de la musique, retrouvant une certaine tradition, certes, mais surtout cherchant dans le passé comment vivre mieux le présent. Bien que le violoncelle manque de présence, ce qui nuit à l’équilibre général, l’approche de ce matin fait montre d’une désarmante vivacité, et, ne se refusant pas des couleurs presque brahmsiennes ou, à d’autres passages, une élégance qui n’est pas sans évoquer Haydn, explore les arcanes lyriques de la mémoire.

Il faut avouer qu’en lisant sur la brochure de programme que la troisième œuvre sera un trio à cordes en trois parties occupant soixante minutes, certains ont pu s’inquiéter, ou tout au moins douter de leur faculté de concentration. Avec une première partie tendue à se rompre, sans doute éprouvante pour les musiciens, un centre nettement lyrique et une dernière section qui lie savamment les côtés moelleux et agressifs des mouvements précédents, dans un ostinato singulièrement caractérisé qui renvoie à Bartók autant qu’à Janáček, cette Musik für drei Streicher écrite par Wolfgang Rihm en 1977 est, au contraire, fascinante, et absorbe l’attention de telle sorte que ne saurait se poser la question de la disponibilité. Cette heure de musique est tout à fait passionnante et l’interprétation précise et généreusement engagée des artistes dont on admire l’endurance demeurera incontestablement l’un des grands moments de cette édition du festival Musica.

BB