Chroniques

par vincent guillemin

Леди Макбет Мценского уезда | Lady Macbeth de Mzensk
opéra de Dmitri Chostakovitch

Deutsche Oper, Berlin
- 25 janvier 2015
Lady Macbeth de Mzensk, opéra de Chostakovitch à la Deutsche Oper de Berlin
© marcus lieberenz

Créée discrètement en septembre 2014 au Norske Opera d’Oslo, la nouvelle coproduction de Lady Macbeth de Mzensk dispose avec sa reprise à la Deutsche Oper de Berlin d’atouts marketing de poids, à commencer par la présence du soprano Evelyn Herlitzius. Également connu sur la scène internationale, la basse John Tomlinson lui répond en Boris Ismaïlov, tandis que le public berlinois découvre pour la première fois une mise en scène d’Ole Anders Tandberg, actif aujourd’hui surtout dans les pays du nord.

Nous restons dans le nord avec cette transposition de la nouvelle de Leskov dans un petit village de pêcheurs, où le poisson est omniprésent. Erlend Birkeland a construit son décor d’un énorme bloc granitique, placé en milieu de plateau tournant, rocher où se trouve une cabane blanche, d’abord constituée de deux pans (mur porteur à gauche et façade), puis seulement de sa façade après l’entracte. Au quatrième acte, lorsque Katarina et son amant Sergueï marchent vers le bagne, le granit est dénudé, seulement peuplé de corps fantomatiques en sous-vêtements. Intéressant huis clos lié à l’enclavement géographique des ports dont tous les habitants se connaissent, cette transposition relativement facile ne manque pas d’intelligence, mais dans les faits, certaines scènes sont plus réussies que d’autres.

Lorsque Sergueï est fouetté par Boris, le père du mari, la violence est bien là ; le sang qui s’écoule du dos, alors que deux villageois maintiennent le châtié contre la façade de la maison, est parfaitement crédible. La présence du poisson apporte un caractère sale et nauséabond à l’affaire, et l’utilisation de grosses prises dodues et luisantes comme expédient sexuel fonctionne aussi. En revanche, le fait que le produit de la pêche soit assimilé à une arme pour assommer définitivement Zinovi, le cocu, a un caractère ridicule, tout comme l’obsession des hommes à utiliser tout ce qui leur passe sous la main comme objet masturbatoire, des tables aux fers à repasser. En scène, la fanfare de quatorze cuivres renforce les mesures chevaleresques de la partition, mais traduit également la dérision.

La distribution est dominée par la Katarina d’Evelyn Herlitzius, toujours aussi charismatique, dont les aigreurs de timbre s’accordent au personnage. Les aigus sont acides et puissants, sans pourtant qu’elle transcende le rôle. Bien que la couleur vocale ne semble pas tout-à-fait adaptée, Thomas Blondelle est un Zinovi honnête, transformé en agent commercial par la mise en scène. John Tomlinson surprend positivement, car si l’on en connaissait le timbre si noir, il est désormais limité par un souffle aujourd’hui très court. Le voilà très crédible en Boris, rôle sans lyrisme ni beaucoup de notes à tenir plus de quelques secondes. En Sergueï, Maxim Aksenov est l’artiste qui convainc le plus, à l’aise dans le jeu comme dans le chant, tout comme Nadine Secunde en Aksina. Des seconds rôles, il faut louer la prestation d’Andrew Harris en Policier, celle de Burkhard Ulrich en Ivrogne, et le Pope de Tobias Kehrer. Le Chor der Deutschen Oper Berlin est correct, légèrement en-deçà de lui-même dans d’autres répertoires.

Fort applaudie, la prestation de l’Orchester der Deutschen Oper et de son directeur musical Donald Runnicles est en demi-teinte. Très en phase dans les passages lyriques, où l’influence mahlérienne est parfois frappante, elle alourdit le propos des mesures plus grinçantes et n’arrive pas à créer une atmosphère totalement tendue au dernier acte. En général, cette interprétation un peu sage passe à côté d’une partie de la violence et de l’humour noir de l’œuvre.

VG