Chroniques

par laurent bergnach

Любовь к трём апельсинам | L’amour des trois oranges
opéra de Sergeï Prokofiev

Opéra de Dijon / Auditorium
- 5 mai 2010
Gilles Abegg photographie L'amour des trois oranges (Prokofiev) à Dijon
© gilles abegg

Chaque saison, quand tant de décideurs proposent un ouvrage de l'indéboulonnable Mozart, une intégrale Beethoven ou un marathon Chopin (on peut comprendre : rude est la concurrence est rude), d'autres prennent le risque de surprendre le public par des propositions originales. C'est le cas de l'Opéra de Dijon qui entame un cycle consacré à Carlo Gozzi (1720-1806), ce défenseur de la commedia dell'arte et farouche adversaire du réformateur Goldoni, dans la Venise du XVIIIe siècle. Parmi ses productions théâtrales, on trouve la fable qui inspira à Prokofiev son Amour des trois oranges créé au Lyric Opera de Chicago, le 30 décembre 1921, L'Oiseau vert – donné en octobre prochain, où l'on retrouvera les personnages de ce soir, mais dix-huit ans plus tard – ainsi que la trame qui offrirait à Busoni, quelques années avant Puccini, l'opportunité de faire chanter la princesse Turandot (à voir ici en mars 2011).

De cette farce burlesque mêlant féérie, surréalisme et symbolisme, Sandrine Anglade propose une vision sans exubérance, préférant un décalage poétique tout en légèreté. Dans sa mise en scène qui intègre de jeunes figurants, il suffit que Truffaldino soit cuisinier au palais, qu'une partie du chœur revête un pyjama, que Fata Morgana apparaisse dans un nuage de fumée, que les défilés s'effectuent sous des casques-casseroles et que des baudruches esquissent les oranges pour signifier cette « envie de retour vers l'enfance ». Le décor est lui aussi minimaliste : cinq parois amovibles forment tout d'abord une petite pièce au centre du plateau, s'écartent pour devenir un labyrinthe au château de Créonte, puis un mur de nuages dans le désert.

À part Bernard Deletré (Roi de Trèfle caverneux et terne) et Lucie Roche (Clarice instable), la distribution vocale offre peu de déceptions. Déjà dirigé dans le rôle par Laurent Pelly [lire notre critique du DVD], Martial Defontaine jouit d'une voix saine et claire, quoiqu'un peu éraillée vers la fin. Éric Huchet (Truffaldino) se montre vaillant autant que nuancé. Hélène Bernardy incarne Fata Morgana avec puissance et rondeur, appréciée tout comme la Smeraldine corsée et expressive de Carine Séchaye. Francis Dudziak offre muscle et souplesse à Pantalon, tandis que Laurent Alvaro (Léandre) s'avère impeccable, comme souvent.

Délicat mais lointain, l'Orchestre Dijon-Bourgogne – fusion réalisée en janvier de l'an passé de la formation travaillant au sein de l'Opéra avec la Camerata de Bourgogne – met quelque temps à s'imposer. L’on aurait aimé que Pascal Verrot fût parfois plus incisif. Lié temporairement, en ce qui le concerne, avec celui de l'Opéra Théâtre de Limoges, le Chœur remplit efficacement sa part du contrat.

LB