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Chroniques
10 décembre 1908 : « il est venu... »
Turangalîla-Symphonie par l’Orchestre de Paris
Avignon, 10 octobre 1908. La poétesse Cécile Sauvage donne le jour à Olivier, l'enfant conçu avec Pierre Messiaen, jeune professeur d'anglais spécialiste de littérature anglaise qui bientôt traduira Shakespeare, futur auteur de plusieurs essais – dont Théâtre anglais, Moyen Âge et XVIe siècle, Les romantiques anglais, Sentiment chrétien et poésie française, enfin Shakespeare. Entre la première œuvre pour piano, La Dame de Shalott (1917) – d’après The Lady of Shalott de Tennyson – et le Concert à quatre (1991), plus de soixante-dix opus témoigneront de la créativité de cet homme, pianiste, organiste, pédagogue et ornithologue.
Paris, 10 décembre 2008. En jouant sa Turangalîla-Symphonie écrite de 1946 à 1949, l'Orchestre de Paris rend hommage au compositeur Olivier Messiaen, disparu le 27 avril 1992.
Mâtinant les chants d'oiseaux qui déjà lui sont chers aux rythmes hindous dans une vaste page en dix tableaux empruntant au sanskrit son inspiration, Messiaen livrait cette œuvre à son commanditaire, le Boston Symphony Orchestra et Sergueï Koussevitzky, mais c'est Leonard Bernstein qui en dirigera la création in loco, le 2 décembre 1949. L'été suivant, Roger Désormière conduit la première audition française à la tête de l'Orchestre National de France, à Aix-en-Provence. À son tour, l'Orchestre de Paris la donnerait en 1975, sous la direction de Seiji Ozawa.
Avec Harawi (1945), douze mélodies pour soprano et piano, et Cinq Rechants (1948) pour voix mixtes a capella, Turangalîla-Symphonie forme la « Trilogie Tristan », hymne à l'amour. Christoph Eschenbach retrouve une œuvre qu'il avait honorée dès sa prise de fonction à la tête de la formation parisienne, il y a huit ans – Yvonne et Jeanne Loriod en étaient alors les solistes. Ce soir, le compositeur Tristan Murail, élève de Messiaen, tient la partie d'ondes, tandis que le piano est joué par Jean-Yves Thibaudet. Dès l'abord, ce musicien offre une sonorité d'une clarté presque minérale, assez inattendue au regard d'autres interprétations. Moins colorée qu'on s'y attendrait, la lecture pianistique est souvent dominée par les tutti généreux que convoque la partition. Au pupitre, le chef a parfois la main lourde, dessinant l'œuvre dans ses grandes lignes, en un geste tonique et volontaire qui, paradoxalement, englue l'exécution dans les résonnances.
Après une Introduction qui semble assez inerte, tout compte fait, le premier Chant d'amour souffre d'une relative sècheresse de ton. L'exécution s'impose plus probante à partir du troisième mouvement, Turangalîla I (Presque lent, rêveur), jusqu'au grand « youpi » émerveillé de Joie du sang des étoiles (n°5). La soirée atteint son sommet par Jardin du sommeil d'amour (n°6), dans un remarquable équilibre. Mais dès le huitième épisode, le chef force à nouveau le trait, dans une inflexion souvent confuse.
BB