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Chroniques
Actéon et Les arts florissants
opéra de chasse et divertissement allégorique de Marc-Antoine Charpentier
Cette année du tricentenaire Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) est l'occasion d'une découverte approfondie de ses œuvres, à travers diverses manifestations culturelles, dans plusieurs villes françaises. Longtemps méconnu, il est actuellement considéré comme le plus grand compositeur baroque de musique religieuse français. Il est également auteur d'œuvres profanes dont des airs de cour, des airs à boire (les seuls autorisés d’édition par Louis XIV), ainsi que deux tragédies lyriques : Médée, David et Jonathan.
L'Académie Baroque d'Ambronay forme des chanteurs et des musiciens spécialisés dans ce répertoire. La saison précédente, elle avait proposé une redécouverte du merveilleux oratorio de Händel, Athalia, et présente cette année deux œuvres miniatures : un divertissement allégorique et une pastorale. Ces deux pièces, rarement jouées, ont été composées lorsque Charpentier était au service de Madame de Guise (petite-fille du ligueur Henri, assassiné sur ordre d’Henri III).
Les arts florissants est un hommage à Louis XIV qui tenait Charpentier en grande estime, en dépit de ses relations épineuses avec la cour, notamment en raison de rivalités avec des compositeurs reconnus tels Lully et Delalande. Ici, les personnages allégoriques sont quatre arts : la Peinture, l'Architecture, la Poésie et la Musique. Deux symboles opposés sont omniprésents : la paix et la discorde. Les arts sont au service du roi, considéré comme celui qui maintient la paix. La discorde, furieuse de tant de prospérité, tente de briser cet équilibre. La paix lui résiste et, avec le soutien des Arts, sort victorieuse.
Les quatre allégories sont vêtues de robes aux couleurs vives, la paix d'une tenue blanche. La discorde et ses guerriers sont en noir, nuance qu'ils abandonneront à la fin au profit de vêtements colorés. Leticia Giuffredi éprouve tout d'abord quelques difficultés à interpréter La Musique, mais manifeste graduellement plus d'aisance. La Poésie d'Olga Listova et l'Architecture de Madjouline Zerari font preuve de plus d'ampleur vocale. Par son jeu, Eugénie Warnier est une Paix très attachante. Hugo Oliveira assume bien son rôle de Discorde, ainsi que Julien Picard et Benjamin Alunni, respectivement en Peinture et en Guerrier.
Si les chanteurs et l'ensemble ont encore de la maturité à acquérir, pour la présence scénique come pour leur timbre, les rapports entre les personnages sont bien mis en valeur. Par son naturel la gestuelle dégage un certain charme, ce qui apporte une dimension humaine à la mise en scène de Ludovic Lagarde – par exemple lorsque la Musique et la Paix s'étreignent, à la fin. Les chorégraphies manquent de grâce – cela vient-il de l'époque ? –, mais leur signification est bien perceptible : les danseurs ont au début des mouvements raides et anguleux qui évoquent la guerre, puis souples et libres lorsque se rétablit la paix.
Actéon, opéra de chasse en cinq tableaux, est mieux réalisé.
Comme dans la pièce précédente, le décor, très sobre, consiste en un grand cube de mailles métalliques situé au centre, d'où acteurs et danseurs peuvent entrer et sortir. L'un des plus beaux moments est la scène de Diane et de ses sœurs se baignant à l'intérieur du cube, dont le sol est humide, dans des robes blanches sous bel éclairage bleu qui dessine les corps féminins. Paul Crémazy est un Actéon émouvant. Diane, interprétée par Karen Perret, est juvénile et un peu désincarnée, comme peut l’être une déesse. Sophie Van de Woestyne campe Junon, pleine de colère, avec un bel aplomb. Le chœur effectue un excellent travail d'équipe. Les musiciens, qui auront encore à perfectionner leur expression pour gagner des sonorités plus souples, sont dirigés avec vitalité par l'excellent Christophe Rousset.
SC