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Chroniques
(After) the Fairy Queen
spectacle de La Clef des Chants
Typique de la manière dont les Anglais envisageaient le théâtre musical à la fin du XVIIe siècle, The Fairy Queen est un semi-opéra créé à Londres le 2 mai 1692, d'après une adaptation anonyme de la comédie de Shakespeare A Midsummer Night's Dream – sans doute écrite en 1594 ou 1595. L'argument est connu : quatre jeunes gens en peine d'amour se révèlent en quête l'un de l'autre mais aussi d'eux-mêmes, dans la forêt enchantée d'Obéron et de Titania, roi et reine des fées. Et puisque les histoires d'amour sont souvent compliquées, l'ouvrage initial propose trois intrigues et dure plus de six heures. Portée par La Clef des Chants (Association régionale de décentralisation lyrique région Nord-Pas de Calais), réduite à une heure et demie qui privilégie le lamento, cette production rassemble de larges extraits de l'ouvrage écrit par Purcell, loin de toute reconstitution historique.
« Certains ensembles musicaux ont été conservés dans leur intégralité, explique Emmanuelle Haïm, comme les Saisons ou l'épisode de la Nuit. La Plainte est devenue l'élément central, vers lequel convergent les diverses vicissitudes amoureuses des personnages. […] Le texte est un contrepoint, nous ne cherchons pas des dialogues compréhensibles ou explicatifs, c'est plus une recherche d'atmosphère, avec des voix chuchotées, des effets oniriques, loin de la réalité brute. On se rapproche de la structure même du Songe, de sa fantaisie, de son humour, de sa relecture de la mythologie […]. »
Avec son prologue parlé/dansé d'une extrême sensibilité, modèle de concentration et de raffinement, le spectacle nous accapare rapidement. Visage expressif, Erika Méndez, Sheila Rojas, Alejandro Chávez et Luis Villanueva incarnent les amoureux, dans une chorégraphie caressante de Vivian Cruz qui parie sur l'intime plus que sur l'érotisme. Si la mise en scène de Wouter Van Looy semble d'emblée remuante et bien peu originale son option du chœur agglutiné en costume de ville, c'est pour mieux nous faire goûter au dépaysement poétique des scènes de forêt – géniale installation des arbres –, où se déploient alors les personnalités, les lumières oniriques et les allégories portant des masques-sculptures.
En compagnie de l'orchestre restreint du Concert d'Astrée qui ne dédaigne ni l'essence (quelques magnifiques solos) ni l'originalité (castagnettes et didgeridoo), onze jeunes chanteurs forment des ensembles soignés tout en séduisant individuellement. Si deux des quatre sopranos interviennent régulièrement avec talent, le reste de la distribution, entièrement masculin, livrent également des airs souples (Come all ye Songsters of the Sky), sonores (Now Winter comes Slowly…) et surtout nuancés (If Love's a Sweet Passion…). Quand un rêve convoque autant d'harmonie, d'apaisement et de grâce, il passe trop vite mais s'empreint pour longtemps.
LB