Chroniques

par bertrand bolognesi

Alcina
opéra de Georg Friedrich Händel

Opéra national de Paris / Palais Garnier
- 22 novembre 2007
© eric mahoudeau | opéra national de paris

Signée par Robert Carsen en 1999, reprise en 2004, cette production d’Alcina retrouve aujourd’hui la scène du Palais Garnier pour une nouvelle série de douze représentations. Mais son ciel demeure absent, une grève du partie du personnel technique ayant contraint l’Opéra national de Paris de minimiser les lumières. Toutefois, la représentation, bien que perdant cette dimension-là, est assurée.

La mise en scène ayant déjà fait l’objet d’un compte rendu sur ses pages, il y a trois ans [lire notre chronique du 13 mai 2004], l’on s’attellera plutôt à chroniquer la proposition musicale. On aura remarqué le Melisso bien accroché du jeune François Lis. De même Xavier Mas retient-il l’écoute en Oronte, avec une émission remarquablement placée, une couleur qui, pour s’être avantageusement arrondie en fort peu de temps, n’en demeure pas moins sainement claire, et un chant toujours bien conduit, comme en témoignent des vocalises legato d’une fluidité rare. Une intonation malmenée, un timbre acide et un impact incertain font un Oberto – Judith Gautier – nettement moins convaincant. Si la Morgana d’Olga Pasichnyk accuse une diction laborieuse et quelques attaques un rien heurtées dans sa première aria, elle se montre généreusement timbrée et d’une grande fiabilité par la suite, sans parler d’une présence scénique des plus attachantes. En Bradamante, Sonia Prina impose un ton éminemment dramatique, bien que le chant souffre d’instabilité dans les traits rapides, un souci dont la source est dans la fosse – nous y reviendrons. Vesselina Kasarova étonne d’abord, dans les récitatifs de Ruggiero qu’elle n’hésite pas à poitriner, distillant par la suite des arie exceptionnelles de raffinement, d’à-propos théâtral et de technique ; la surprise vient tout simplement d’un format plus copieux qui sort des proportions entendues jusqu’à ses premières interventions. La richesse expressive du timbre est entièrement mise au service d’un personnage soigneusement construit. Dans le rôle-titre, enfin, Emma Bell use d’une pâte vocale généreuse qui autorise des nuances judicieuses, quoique parfois rendues hasardeuses par un soutien instrumentale que l’on attend encore.

Et c’est là le grand handicap de cette reprise : que sa fosse ait été confiée à une formation accusant d’innombrables disgrâces, son chef n’en étant pas la moindre. S’agitant beaucoup sans indiquer vraiment, voilà une baguette qui imprime sa marque sur l’exécution en proposant des pianississimi aux confins du silence. Belle idée, si tant est que la réalisation puisse y prétendre, ce qui n’est pas le cas. Ne subsistent de ces prétendues délicatesses que de maladroits reposés d’archets, des pizz’ improbables et de doux savonnages. Pour tout relief, cette lecture tressaute sur des accents à la frénésie superficielle qu’en guise de dynamique ne traverse qu’un enthousiasme à court terme, une nervosité limitée. Le résultat, pâle, sans corps et sans saveur, n’offre qu’un soutien exsangue au plateau, un tricot qui n’a toujours pas choisi son point et où les voix perdent leur latin – quels chanteurs peuvent se passer d'une vraie fosse ? L’on s’étonne d’entendre de telles choses dans cette maison…

BB