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Chroniques
Alexandra Soumm et Julien Quentin
Edvard Grieg | trois sonates pour violon et piano
C’est avec grand plaisir que l'on retrouve le pianiste Julien Quentin [lire notre Dossier] en duo avec la jeune violoniste russe Alexandra Soumm, dans un programme entièrement consacré aux sonates d'Edvard Grieg. L’Auditorium du Louvre propose depuis décembre une sorte de saison russe qui permet d'aborder par l'image les grands chefs-d'œuvre du répertoire lyrique, mais aussi d'entendre les artistes russe d'aujourd'hui, dans des programmes russes ou non.
Si l'on peut entendre çà et là une des trois Sonates pour violon et piano du Norvégien au hasard des menus récitalistes (la troisième, le plus souvent), c'est une absolue rareté que d'aborder l'ensemble en un même concert. Les artistes de ce soir ouvrent la Sonate en fa majeur Op.8 n°1, composée en 1865, par un Allegro con brio tout d'élégance et d'équilibre où le piano soigne un moelleux précieux qui souligne délicatement la présence violonistique. Dès l'abord, on sait cette interprétation dénué de toute emphase surannée. C'est vigoureux, frais et franc. Le mouvement central survient dans une tendre simplicité, la véhémence s'y installant peu à peu, sans heurt. D'une fermeté imparable, l'Allegro molto vivace est plus coloré, sans que jamais le piano ne se perdre dans le possible méli-mélo brahmsien de la partition.
D’un caractère différent, la Sonate en sol majeur Op.13 n°2 (1867) fait se croiser une écriture pianistique parfois tortueuse et un violon plus violon que nature, pour ainsi dire, cherchant l'expressivité au plus intime du son. De fait, Alexandra Soumm et Julien Quentin y prennent de véritables risques avec la nuance, sans pour autant forcer le trait. L'Allegro initial se conclut dans le contraste de moyens soudain décuplés, riches, brillants – peut-être trop, d'ailleurs. À l'inflexion de tendre élégie de l'Allegretto médian succède un animato où le pianiste ciselle des aigus exquisément souples, ce qui ne suffit cependant pas à laisser surgir le sentiment d'une certaine baisse de régime dans l'interprétation, vite résumable à la seule virtuosité.
Toutefois, on ne boudera pas son plaisir, loin s'en faut.
L'Allegro molto ed appassionato de la plus tardive Sonate en ut mineur Op.45 n°3 (1886/87) laisse progresser le crescendo vers une saine effervescence où se révèle bientôt un violon plus opulent qu'on l'aurait cru, quoique encore pauvre en couleurs. Au clavier, Julien Quentin ménage des demi-teintes subtiles qu'il oppose à des bains plus francs mais toujours savamment texturés. Un halo recueilli accueille la romance, sans affectation bien qu'éminemment romantique. Jubilatoire, l'ultime Allegro animato bondit, valant aux musiciens de chaleureux bravi. Certes, on pourra trouver le jeu d'Alexandra Soumm assez monolithique, mais posséder à vingt ans cette présence sonore-là au violon n'augure que de bonnes choses pour la suite.
BB