Chroniques

par bertrand bolognesi

Amadigi di Gaula | Amadis de Gaule
opéra de Georg Friedrich Händel (version de concert)

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 28 mai 2008
le chef Eduardo López Banzo joue Amadigi di gaula de Händel à Paris
© dr

Créé à Londres le 25 mai 1715, Amadigi di Gaula, onzième opéra de Georg Friedrich Händel, ne compte certes pas parmi les plus joués du compositeur. Poursuivant le vaste cycle Händel entreprit de longue date, l'avenue Montaigne invite à une redécouverte qui étonne et ravit l'oreille d'un ouvrage qui connut environ quatre productions au XXe siècle, et que l'on n'entendit pas à Paris depuis douze ans.

Sur un livret que certains attribuent à Rossi tandis que d'autres y voient la signature de Haym, inspiré de Quinault – cet Amadis même dont Lully composa la musique en 1684 – et de Houdar de la Motte – Amadis de Grèce réalisé par Destouches en 1699 –, l'œuvre conte les amours contrariées d'un roi manipulées par une magicienne qui ne parvient pas à renoncer à sa passion pour lui. Pour clore l'évolution d'un sujet palpitant quoique mille fois traité, les enfers invoqués désobéissent à la sorcière dont l'acharnement a dépassé les bornes.

À la tête d'Al Ayre Español, Eduardo López Banzo [photo] continue ses explorations händéliennes avec cet Amadigi di Gaula qu'il enregistra récemment. De même livrera-t-il bientôt au disque un Rodrigo. Dès la Sinfonia, on remarque un geste généreux au service d'un notable équilibre des timbres. Sa direction se montre tonique et souple, sans accentuation sur-contrastée, favorisant au contraire une articulation un peu grasse et une conduite discrète du drame. Quelques approximations des cordes ternissent cependant l'exécution, de même qu'un souci récurrent de concentration du chef lui-même, occasionnant quelques départs hasardés.

Seules quatre voix sont convoquées, mais l'on remarque malgré tout un certain manque d'unité. María Espada donne une Oriana richement colorée, à l'impact opulent, bien qu'à l'intonation parfois aléatoire. S'il faut du temps au soprano pour habiter plus que techniquement sa prestation, c'est nettement à partir de l’air Tu pentirai crudel (Acte II) qu'elle s'avère plus présente, partant qu'elle demeure de toute façon beaucoup plus intéressante dans la colère que dans les expressions plus calmes de la peine. Passionnante dans des récitatifs efficacement projetés, pour ne pas dire mordus, Regina Richter déçoit dans les airs de Dardano tout en donnant un Pena tiranna à fleur de peau.

En revanche, les deux autres rôles charment l'écoute.
Sharon Rostorf-Zamir [lire notre chronique du 9 juin 2003] donne une Melissa d'abord prudente dans les récitatifs servis toujours par une grande intelligence du texte, imposant bientôt une présence saisissante, avec l'air Ah spietato, e non ti move qu'elle distille dans un savant mezzo piano où se suspend la respiration du public. Plus affirmé dans son dernier air du premier acte, le chant rayonne dans le mémorable duo Crudel tu non farai sur lequel s'achève la quatrième scène du II. Pour finir, sa mort, à travers Io già sento l'alma in sen, est si parfaitement rendue qu'elle attendrit. De fait, par une interprétation raffinée tout en nuances, l'artiste dessine une Melissa touchante qu'elle ne limite jamais à ses furies.

On retrouve avec plaisir Lawrence Zazzo dans le rôle-titre.
Au fil de la soirée, le contreténor affiche une forme de plus en plus évidente et un plaisir communicatif du chant. Avec le temps, le timbre a gagné en rondeur sans rien perdre des délices d'un impact toujours impératif. L'agilité est au rendez-vous dans des da capo brillants aux ornements toujours soigneusement choisis et réalisés. Ainsi d'È sì dolce il mio contento dont les modulations exigeantes et les mélismes délicats rencontrent un art sans faille, d'O rendetemi il mio bene à la nuance miraculeusement contrastée, de Sussurrate, onde vezzose généreusement coloré ou de T'amai quant'il mio cor à la souplesse médusante.

BB