Chroniques

par laurent bergnach

anniversaire Alain Bancquart
Pierre Strauch et les élèves du Conservatoire

Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse, Paris
- 6 novembre 2014
Trois pièces d'Alain Bancquart au programme
© dr

Le 20 juin dernier, Alain Bancquart fêtait ses quatre-vingt printemps. À quelques semaines d’un anniversaire aussi marquant, le concert du jour salue l’œuvre d’un compositeur discret et exigeant, attaché à « l’étude des influences entre le monde très particulier des micro-intervalles et la gestion du temps » (in Habiter le temps, Symétrie, 2003) [lire notre critique de l’ouvrage]. Cet intérêt pour la microtonalité remonte à près d’un demi-siècle, explorée dès le trio à cordes Thrène I (1968).

Après plusieurs soli pour harpe (Ma manière de chat, 1978), violon (Ma manière de double, 1980), alto (Sonate, 1983), viole d’amour (…Vous devenez une île heureuse, 1997) et violoncelle (Fragments d’Icare, 1998), Bancquart revient à celui-ci avec Livre de Pierre (2014), créé par son dédicataire Pierre Strauch. Le premier des quatre mouvements en quarts de ton, Prélude, offre un ambitus restreint et des nuances infimes, telle une plainte monotone. Danse de l’oiseau-lune s’ouvre avec quelques mots, avant de privilégier l’agitation et la diversité (timbres, registres, techniques, etc.). Pièce en trio signe une confrontation d’univers hostiles, dans laquelle se repère des éléments empruntés aux segments précédents. Enfin, Grande mélodie permet « la renaissance du chant » (dixit Silvia Álvarez Baamonde, signataire du programme), dans un climat serein électrisé de sursauts qui génèrent un peu d’angoisse, mais sans relancer la lutte.

« Un jour d’été à Venise, écrit le compositeur, j’entendis deux cloches, lancées par hasard en même temps et provenant de deux églises assez éloignées l’une de l’autre » (ibid.). De fait, à son catalogue l’on trouve nombre d’œuvres pour duos homogènes : trios à cordes (Une et désunie, 1970), violoncelles (Ricercar II, 1994), orgues (Livre pour deux orgues, 1993), percussions (Fil d’Ariane, 1998) et, bien sûr, pianos (Sonate, 1985). Polyphonie étrange (2011) associe à nouveau ces derniers, à une époque d’interrogations sur la virtuosité. Rarement mimétiques, Delphine Armand et Yun-Ho Chen suivent leur propre rythme, la première calme jusqu’au silence lorsque l’autre est agitée, la seconde profitant de sa solitude pour plaquer une série d’accords assagis dans le respect de leur résonnance. Découverte à Montpellier, la pièce fascine toujours autant [lire notre critique du 20 février 2011].

Autoproclamé « para-sériel », Alain Bancquart livre en 1981 sa première symphonie – laquelle intègre deux guitares électriques. De même que sa Troisième (1983) est sous-titrée Fragments d’Apocalypse, cette Symphonie n°7 (2009) porte un surnom lugubre : Lecture de ténèbres. Les cordes seules occupent la scène, dont huit contrebasses vrombissantes en fond, mais aussi la salle puisqu’un quintette domine d’une galerie située derrière le public (« écho de l’au-delà »). Toujours fluide, l’œuvre évoque un paysage vallonné que des vagues nuageuses colorent d’ombre et de lumière – offrant une averse de pizz’ humides ou, au contraire, un soleil désertique jusqu’à l’incandescence. L’Orchestre du Conservatoire, avec ses jeunes membres entre affalement et sourire en coin, est dirigé par Pierre Strauch.

LB