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Chroniques
Antoni Wit dirige Sinfonia Varsovia
Après le Sinfonietta Cracovia dimanche dernier [lire notre chronique du 6 juillet 2003], nous retrouvons cette fois l’orchestre Sinfonia Varsovia que l’on a plus facilement l’occasion d’écouter, s’agissant d’une formation souvent en tournées et régulièrement présente dans nos festivals autant que dans la programmation saisonnière. Voilà maintenant six ans que le compositeur polonais Krzysztof Penderecki en est le directeur musical et qu’il lui permet de se bonifier dans l’appréhension de l’exigeant répertoire d’aujourd’hui. Ici, le Sinfonia est confié à un très grand chef, Antoni Wit, auquel on doit de précieux enregistrements de musique polonaise, d’une précision exemplaire, et la toute première version discographique des Éclairs sur l’au-delà d’Olivier Messiaen (avant Chung, eh oui).
En ouverture, nous découvrons un tout jeune violoniste : Piotr Jasiurkowski (quinze ans). Ce fils d’un luthier réputé de Lublin, dont il joue l’instrument, étudie le violon depuis à peine huit années, avec Richard Wachowski dans sa ville natale, puis Andrzej Woźnica à Varsovie et enfin Robert Szreder à Maastricht, remportant des prix aux concours de Waterloo, Wieniawski et Lipiński. De là commence déjà une carrière de soliste qui le mène à Londres, à Stockholm, Prague, Paris, Tallinn, Berlin et, aujourd’hui, au Festival International de Colmar où il donne la Havanaise Op.83 de Camille Saint-Saëns qui requiert une grande virtuosité. Ainsi goûte-t-on un son des plus soignés, charmant, mais quelque peu confidentiel. Souhaitons au jeune musicien de donner de l’espace à sa sonorité, encore souvent couverte par un orchestre pourtant discret et dirigé avec attention et bienveillance. Les ornements sont élégants, mais il manque de l’esprit à cette interprétation sèche et statique. Sans doute est-ce encore trop vert pour qu’on se fasse une opinion : attendons quelques années pour entendre Piotr Jasiurkowski en pleine possession de ses moyens.
Le Concerto en fa mineur Op.21 n°2 de Fryderyk Chopin (version polonaise oblige !) est donné par Piotr Paleczny, actuel directeur du Festival Chopin de Duszniki-Zdrój, membre du jury du concours Chopin de Varsovie, dont il fut lauréat en 1970, et du concours Tchaïkovski de Moscou. C’est un piano très articulé qu’il fait entendre ici, nuancé, avec une mobilité de tempo affirmée et parfois surprenante. Cependant, pour irréprochable que se montre son jeu, les grupetti se révèlent parfois légèrement précipités, ce qui malmène le tactus général, et les rubati du Larghetto sont excessifs au point de « kitchiffier » dangereusement Chopin dans un sentimentalisme adipeux. Le troisième mouvement connaît plus de fortune par une tenue exemplaire, même s’il cède au cabotinage quelques mesures avant la fin. Signalons un son d’une grande qualité, avec des aigus perlés simplement exquis.
Si l’on pourrait reprocher à Antoni Wit de ne pas toujours mettre en valeur les traits solistiques de l’orchestre de Chopin ou de livrer une Havanaise assez métronomique (encore s’agit-il sans doute d’aider le jeune violoniste), la lecture qu’il propose de la Symphonie en ré majeur Op.73 n°2 de Johannes Brahms s’avère exceptionnelle. Les contrastes affirment une saine tonicité, avec des moments quasi chambristes, comme le début de l’Allegretto grazioso, ou des tutti puissants, au contraire, mais toujours minutieusement dosés, dominés, dans une précision rare, sans mésuser de points d’orgue et autres tentations orgueilleuses. Plus âpre que mélancolique, son interprétation se livre dans un fin équilibre entre les pupitres, sans surenchérir les effets, ce qui répond à la recherche brahmsienne de respect du classicisme tout en inscrivant à juste titre l’auteur dans le sillage circonstanciel des romantiques (comme malgré lui).
BB