Chroniques

par bertrand bolognesi

Ariadne auf Naxos | Ariane à Naxos
opéra de Richard Strauss

Opéra national du Rhin, Strasbourg
- 16 février 2010
© alain kaiser

Disons-le d’emblée : de cette représentation d’Ariadne auf Naxos nous retiendrons une distribution des mieux choisies qui, malgré de rares inégalités, sait honorer comme il convient la partition de Richard Strauss. À commencer par le ténor américain Michael Putsch campant un Bacchus vocalement robuste dont la vaillance se joue aisément des embûches que l’on sait. La couleur possède ce qu’il faut du baryton pour servir le rôle, tout en offrant une facilité d’aigu qui fait mouche. De même retrouve-t-on avec bonheur le soprano dramatique Christiane Libor, apprécié la saison dernière au Châtelet – Die Feen [lire notre chronique du 27 mars 2009] : outre une parfaite homogénéité du timbre sur l’ensemble de la tessiture, voilà une chanteuse qui mène somptueusement son phrasé, ménage des attaques aigues d’une infinie douceur, déployant un éventail expressif, vocal plutôt que théâtral, strictement circonscrit dans une couleur relativement sombre qui sied parfaitement à l’incarnation de ce soir.

De même saluera-t-on les nombreux rôles secondaires, des trois apparitions féminines aux quatre figures masculines. Echo irréprochable d’Anneke Luyten, parfaite Dryade d’Eve-Maud Hubeaux, Naïade idéale d’Anaïs Mahikian, les jeunes femmes forment un trio impeccablement équilibré. Solide Truffaldino d’Andreï Zemskov, alerte Brighella d’Enrico Casari, Scaramouche efficace de Xin Wang, et, surtout, Arlequin remarquable de Thomas Oliemans, au chant solidement impacté, à la présence particulièrement attachante. Si Werner Van Mechelen se montre un bon Maître de musique, Guy de Mey lui rend fort honorablement la réplique en Maître de danse.

Deux petites réserves : Angélique Noldus chante un Compositeur dont le médium séduit, dont satisfait l’aigu, et d’une indéniable portée dramatique. Son art de la nuance se met tout entier au service du texte et de la situation. Toutefois, la voix se ternit dès le bas-médium, de sorte qu’on perd une partie, certes infime, du rôle. Un souci analogue limite la prestation, par ailleurs extrêmement brillante, de Julia Novikova, Zerbinette pétillante à souhait, charmeuse et scéniquement convaincante, agile dans les roucoulades attendues, mais sévèrement éteinte dans le grave (il se trouve que Strauss n’a pas restreint le rôle au registre aigu) ; cela dit, le personnage ne dysfonctionne pas, loin s’en faut.

Mais une représentation d’opéra n’est pas uniquement un catalogue de voix, n’est-ce pas ? Afin que le plaisir soit complet, encore faut-il en faire évoluer les protagonistes dans cette vaste organisation quasi démiurgique que l’on nomme mise en scène. Aussi faut-il également qu’un orchestre techniquement à jour serve l’œuvre et qu’un chef, un rien engagé à la défendre, s’ingénue à le stimuler. Je n’en dirai pas plus…

BB