Chroniques

par monique parmentier

Arsys Bourgogne, Pierre Cao
Johannes Brahms | ein deutsches Requiem Op.45

Rencontres musicales de Vézelay / Basilique Sainte Marie-Madeleine
- 21 août 2010
Narthex : photographie de Bertrand Bolognesi, Vézelay, 2009
© bertrand bolognesi | narthex, 2009

Comme chaque année, les Rencontres musicales de Vézelay s'achèvent par un concert donné par l'ensemble instigateur : le chœurArsys Bourgogne et son chef en titre, Pierre Cao. Et quelle œuvre conclurait plus idéalement ces trois jours dédiés à la consolation [lire notre chronique de l’avant-veille] que le Requiem allemand ?

Avec lui, Johannes Brahms écrivit certainement l’une des pages chorales les plus intenses. Composé en trois temps, ein deutsches Requiem porte ce titre en hommage à la langue dans laquelle il est chanté. Il s'agit davantage d'un appel humaniste sur un texte simple qui offre une vision réconfortante de la mort, plus qu'une œuvre liturgique. « Comme un enfant que console sa mère, vous serez consolés ». Cette phrase, extrait du cinquième mouvement, dit à elle seule tout ce que cette musique offre d'apaisement à la souffrance, aux doutes, car avec elle la mort se fait libération. Cette œuvre charnière fut composée par un Brahms jeune qui connut tôt l'affliction. Alors qu'il vient de perdre coup sur coup son « père idéal » Robert Schumann et sa mère tant aimée, il éprouve le besoin de laisser courir sa plume pour offrir à l'humanité une vision apaisante de l'inconnu.

Sous la direction fervente, précise et vigoureuse de Pierre Cao, les timbres des Solistes Européens du Luxembourg sont homogènes jusque dans les forte. L'élégance des bois et des cuivres fusionne la douceur des uns à la lumière glorieuse des autres. Les timbales scandent de manière incantatoire la marche certaine vers la mort du second mouvement, tandis que le chœur affirme non la résignation mais l’abandon volontaire, avec une clarté saisissante.

Dans cette vision énergique et triomphante, Arsys Bourgogne démontre une fois de plus qu’en dix années d'existence il sut atteindre le niveau des meilleures formations chorales. L'ensemble des pupitres est ici magnifique, ténors et basses en particulier, dont les voix se jouent des clairs-obscurs, flammes fragiles pour les premiers qui vacillent puis se redressent, luttant puis s'abandonnant, jusqu'à s'unir à la lumière, tandis que les seconds les assaillent ou les soutiennent. Les sopranos radieuses et les altos au timbre moiré apportent, quant à elles, toute la tendresse apaisante et pourtant parfois doloriste de la mère aimante.

Les deux solistes sont particulièrement bien choisis.
Le timbre incandescent du soprano Gerlinde Sämann est si limpide que les murs de la basilique semblent se faire translucides, révélant une nuit étoilée où, mère entre toutes les mères, elle apaise, réconforte, ravive et mène à l'éternel repos. Souple et généreuse, la voix du baryton Thomas Bauer impose l'humilité de l'homme souffrant comme du père rassurant et confiant.

Si l'on regrette le choix de tempi parfois un peu lents, ainsi qu’une relative rigidité instrumentale, l'interprétation demeure superbe. L'engagement des artistes conclut le festival dans en apothéose.

MP