Chroniques

par bertrand bolognesi

Athalia | Athalie
oratorio HWV 52 (1733) de Georg Friedrich Händel

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 2 décembre 2009
le contre-ténor Lauwrence Zazzo chante Athalia de Händel à Paris
© dr

Après deux oratorios italiens – Il trionfo del tempo e del disinganno (HWV 46, 1707) et La Resurrezione (HWV 47, 1708) –, une Brockes Passion allemande (1715), Georg Friedrich Händel, à la recherche de nouveaux succès, celui accordé par le public capricieux de l’opéra venant à s’épuiser, se lançait en 1731 dans Esther (HWV 50) sur un livret de John Arbuthnot et Alexander Pope à partir d’un masque conçu en 1718, et qui se distinguera comme la première pierre d’un vaste édifice de grands oratorios anglais (plus d’une vingtaine). Avant même que cette œuvre fut créée (mai 1733), il collabore avec Samuel Humphreys pour le livret de Deborah (HWV 51) dont la première aurait lieu en mars 1733, au King's Theatre (London).

Avec ce genre qu’il aborde en véritable initiateur plus qu’en simple novateur, le musicien connaît une veine si féconde qu’il compose souvent en même temps et très rapidement les œuvres d’un corpus inattendu. Ainsi d’Athalia, commandé au début de l’année 1733 et livré au public en juillet. Suivront Alexander's Feast (HWV 75, 1736), The Triumph of Time and Truth (HWV 71, 1737) – d’après ses italiens Trionfo del tempo e del disinganno (HWV 46a) et Trionfo del tempo e della verità (HWV 46b) déjà trentenaires –, Saul et Israel in Egypt (HWV 53 et HWV 54, 1738), etc. Jusqu’à la fin de sa vie, cette remarquable inspiration de l’oratorio biblique de langue anglaise ne quittera plus Händel.

Fort librement adapté de Racine, Athalia présente une forme d’une exacte régularité dont s’affiche la perfection toute classique. Aussi Paul Goodwin, à la tête du Kammerorchester Basel, ne s’y trompe-t-il pas, conjuguant à une appréciable souplesse d’articulation une véritable tonicité, sans accuser le trait ni mollir jamais, favorisant une certaine plénitude sonore à une précarité « baroqueuse » qui souvent a tendu à l’approximation (si ce n’est au préjugé ou à la pose). L’accentuation de cette interprétation s’avère d’une ferme intelligence dramatique, le chef l’inscrivant dans l’assimilation des acquis du renouveau baroque sans les revendications radicales d’antan.

À l’excellence de l’orchestre bâlois répondent non seulement la vaillance chorale du Vocalconsort Berlin mais aussi une distribution solistique de haute volée. Membre du Knabenkantorei de la cité rhénane, le jeune soprano garçon Aaron Mächler sert fidèlement la partie de Joas, l’héritier du trône de Judée. David Wilson-Johnson offre au capitaine Abner une émission des plus homogènes et un chant délicatement nuancé qui, dans l’acte médian, se révèle agile bien que le matériau soit lourd. Nous ne formulerons que deux petites réserves quant à ce beau plateau : la voix de Charles Daniels y paraît un rien usée dans le rôle du prêtre Mathan, accusant, en outre, quelques engorgements disgracieux, tandis que, pour offrir une grâce certaine à celui, gentiment articulé, de Josabet, Nuria Rial demeure trop confidentiel et d’un abord relativement mièvre.

Bien évidemment, Lawrence Zazzo triomphe (une fois de plus) dans la partie de Joad. Moins colorée en anglais qu’en italien, sa voix se fait plus aérienne, avec un je-ne-sais-quoi d’acidulé dans le timbre – d’un vin l’on dirait « agrumé ». La souplesse habituelle est au rendez-vous, plus sensible encore dans un brio rendu moins éclatant par la langue, se révélant alors d’une infinie tendresse. On retrouve sa superbe dans des da capo toujours élégamment ornés et variés d’une grande richesse expressive, sans compter un jeu fort habile sur la voix appuyée de baryton qui d’une note rebondit dans le registre habituel, effet génialement gymnique à inventer un relief indicible à son Reviving Judah shall no more detested images adore (Acte III). Avec ses cinq maigres airs et sa pingre douzaine de brefs récitatifs, le rôle-titre demeure ingrat. Aussi est-il nécessaire d’y employer une chanteuse charismatique dont la présence n’aura pas à s’appuyer sur une prouesse vocale que Händel a négligée. C’est le cas du soprano britannique Geraldine McGreevy dont le grand format vocal bénéficie d’un impact généreux.

BB