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Chroniques
Attila
opéra de Giuseppe Verdi
Dans la production verdienne, à côté des œuvres majeures, constamment reprises sur les scènes lyriques, existe toute une pléiade d’opéras, souvent de jeunesse, considérés comme secondaires, marginaux, voire quasiment bâclés pour ne pas dire purement alimentaires, si l’on en croit des générations de dignes musicologues un rien condescendants. Inutile de dire que les directeurs de théâtre ne se précipitent pas pour monter ces ouvrages que leur public connaît mal. Maurice Xiberras, celui de l’Opéra de Marseille, a bien raison d’oser la chose. Attila, qui n’avait pas eu les honneurs de la scène phocéenne depuis un quart de siècle – c’est dire, dans une ville qui adore, par tradition, les voix et l’opéra italien ! –, revoit la rampe et montre l’élan musical, les exigences vocales, l’art de traiter les ensembles concertants et les masses chorales qui habitent cette partition de 1846, même si le livret de Temistocle Solera ne s’écarte pas des critères de l’époque en la matière, comme la plupart de ceux enfantés par ses confrères, tant italiens que français, d’ailleurs.
Le premier atout est d’avoir confié la direction de cette exhumation en forme de renaissance à Giuliano Carella, chef venu en voisin de l’Opéra de Toulon où il assure la direction musicale. Rompu à ce répertoire dont il peaufine les élans comme les caresses, il dose à la perfection l’équilibre scène-fosse, galvanise l’orchestre maison quoique ayant plus de mal avec les chœurs. Le second atout réside en une distribution haut de gamme, parfaitement choisie, elle aussi experte de ce genre, même si le brillant baryton Vittorio Vitelli (Ezio) force parfois un peu les décibels – Verdi n’est pas Mascagni, que diable ! – au-delà d’une indéniable aisance vocale.
Plus subtils, les ténors Giuseppe Gipali (Foresto) et Bruno Comparetti (Uldino) développent un chant musical et ductile à souhait, à côté de la brève mais fort bonne intervention d’Eric Martin-Bonnet dans le personnage épisodique du pape Léon I. Dans le rôle-titre, remplaçant le chanteur initialement prévu, la basse russe Askar Abdrazakov allie puissance, sûreté et beauté vocale. L’unique protagoniste féminin de cet opéra d’hommes est, quant à lui, merveilleusement interprété par le soprano français Sylvie Valayre (Odabella). Tout y est : la beauté et la richesse du timbre, la musicalité et la variété de l’émission, une voix aussi à l’aise dans les aigus lumineux que dans les demi-teintes expressives, sans oublier une grande tenue scénique de chaque instant.
Restait à scénographier cette sombre histoire de combats, de passion et de trahison, opposant Romains de la décadence et Huns avides de rapines, meurtres et ripailles. Évitant tout aussi bien le genre gladiateur, casques à plumes ou cornes et autres oripeaux d’une vision à l’ancienne, que le décalage des relectures actualisantes, le directeur à choisi une solution médiane, la mise en espace – procédé qui peut donner des hybrides volontiers laids et difformes, quand il n’est pas qu’une version de concert du parvenu ou la mise en scène du pauvre. Rien de tel ici, grâce au travail très en situation d’Yves Coudray, adroitement souligné par les éclairages de Philippe Grosperrin. Un regard épuré suggère plus qu’il ne montre et va à l’essentiel – bien que le meurtre final, en ombre chinoise, reste un peu en deçà.
GC