Chroniques

par monique parmentier

autour de Monteverdi
Eugénie Warnier, Arnaud de Pasquale et Julien Léonard

Les Concerts Parisiens / Église des Billettes, Paris
- 5 février 2010

C'est dans une église pleine à craquer que trois jeunes interprètes affrontent un public curieux et rajeuni, parfois expert, avec un programme qui, par son caractère intime et virtuose, porte de belles promesses d'émotion musicale.

Eugénie Warnier est un jeune soprano très attirant que l'on a récemment entendu à la scène dans le rôle-titre de Psyché de Lully [lire notre chronique du 25 octobre 2009] ou en Pallas de Cadmus et Hermione [lire notre chronique du 21 janvier 2008 et notre critique DVD] ou bien au disque dans l'excellent CD que l’ensemble Ausonia dédiait récemment à Rameau, Que les mortels servent de modèle aux dieux. Avec deux musiciens, elle livre un récital intitulé autour de Monteverdi, centré sur cet instant précis où la basse continue permet à la voix seule de se dégager de la polyphonie et de découvrir un langage musical aboutissant bientôt à un nouveau genre : l'opéra. On sait que Monteverdi en fut l'un des initiateurs, mais d'autres y contribuèrent. Ici, nous verrons donc s'épanouir la voix soliste qui, dans les madrigaux, atteint des libertés nouvelles.

Et c'est aux mots que ce programme souhaite faire la part belle. Les œuvres proposées sont toutes assez bien connues. On y trouve des madrigaux de Monteverdi, Barbara Strozzi, Frescobaldi (ainsi qu'une pièce de clavecin de ce dernier), de Carissimi et Caccini, mais encore deux pièces pour viole de gambe (des diminutions de Dalla Cassa et de Riccardo Rognoni). En somme, un programme bien architecturé, témoin fidèle de l'environnement musical de Monteverdi.

Les deux jeunes musiciens qui accompagnent Eugénie Warnier font briller leur instrument. Avec charme (et un trac tout aussi certain), ils mettent en valeur les qualités de la viole de gambe, pour Julien Léonard, et du clavecin pour Arnaud de Pasquale. Ils apportent à la basse continue une belle profondeur.

Eugénie Warnier possède un fort beau timbre, des aigus plutôt faciles. Son phrasé possède une belle expressivité. Son chant rend aux mots leurs saveurs, leurs nuances et la sensibilité qu’ils évoquent. Regrettons toutefois l'omniprésence de la partition sur un pupitre qu'elle ne quitte pas des yeux, ne s'autorisant pas à renforcer la réelle éloquence du chant par le geste et surtout de le vivre pleinement. C'est d'ailleurs en acceptant de la quitter du regard un bref instant, dans Così volette de Giacomo Carissimi, sur les vers « Gelosia, con fiero dente… » (jalousie, d'une dent sauvage, m'ouvre le sein et le dévore) qu'elle laisse vivre l'ombre qui palpite dans chacun de ces madrigaux.

MP