Chroniques

par bruno serrou

Béatrice et Bénédict
opéra d’Hector Berlioz

Opéra Comique, Paris
- 24 février 2010
Pierre Grosbois photographie Béatrice et Bénédict (Berlioz) à l'Opéra Comique
© pierre grosbois

Favart présente une œuvre rare à la scène, ne serait-ce que pour d'évidentes difficultés de représentation, Berlioz ayant façonné dans son ultime partition une synthèse de son art et de ses exigences de musicien épris de Shakespeare, au risque de rendre impossible la réalisation scénique, comme le confirme cette nouvelle production. Et cela, malgré une intrigue plutôt limpide, la pièce du Britannique, Much Ado About Nothing, avec Syracuse pour cadre, contant deux histoires d'amour parallèles qui, après des péripéties sans importance, finissent à convoler en justes noces.

La réalisation de Dan Jemmett est prétentieuse et alambiquée.
Il s'agit d'un spectacle de marionnettes qui se meuvent en sautant tels des kangourous, réglé dans des décors luxueux mais laids de Dick Bird, à l'instar des costumes de Sylvie Martin-Hyszka et des maquillages dont sont affublés les chanteurs (seuls les choristes sont esthétiquement beaux). Le tout est accompagné par un orchestre d'instruments anciens, La Chambre Philharmonique, aux sonorités ternes et pas très en place, sans doute en raison de la direction un peu raide d'Emmanuel Krivine. Dans la sécheresse acoustique du lieu et sur ces instruments conformes à ceux des années 1860, la partition se fait aigre et sans relief.

Plus contestable encore est l'adaptation du livret original dit par un récitant so british, le comédien Bob Goody, co-auteur avec Jemmett de ladite adaptation, qui ajoute à la confusion, lisant des extraits de la pièce anglaise originale. Tant et si bien que l'on finit par regretter le concert, comme ce fut le cas voilà un an avec l'Orchestre National de France dirigé par Colin Davis au Théâtre des Champs-Élysées, aux dépends de cette mise en scène contestable où l'humour et le romantisme le plus chaleureux qui se côtoient et s'éclairent l'un l'autre apparaissent superficiels et empesés.

On y trouve cependant des moments enchanteurs, comme le sublime duo Ursule/Héro qui conclut le premier acte, merveilleusement interprété par Ailish Tynan et Élodie Méchain, ou le trio du second où toutes deux sont rejointes par Christine Rice, incandescente Béatrice abominablement harnachée et maquillée qui s'impose également dans sa belle aria, Dieu que viens-je d'entendre. L'ensemble de la distribution est des plus méritantes, avec Allan Clayton, Bénédict ébaubi à la voix claire, Edwin Crossley-Mercer, Jérôme Varnier et Michel Trempont, qui campe un Maître de musique plutôt sobre, tandis que le chœur de chambre Les Eléments est toujours excellent.

BS