Chroniques

par bertrand bolognesi

Bach par Philippe Pierlot et Kenneth Weiss
Händel par Les Honnestes Curieux

Festival de Sablé / Église Saint Jean Baptiste de Chantenay-Villedieu
- 26 et 28 août 2004

Bach et Händel sont tous deux saxons. L’un fit une grande carrière allemande, l’autre quittait Halle pour Albion où il devint grand compositeur… anglais ! Si le premier goûte les concerti italiens au point de les transcrire pour le clavier et d’imaginer son propre Concerto nach italienischem Gusto, l’autre perfectionne son art dans la ville éternelle dont la musique inspire grandement son œuvre. Ainsi, même lorsqu’elle sera officiellement anglaise fera-t-elle toujours appel aux artistes italiens.

Le premier concert de ce samedi, dernière journée de la manifestation sarthoise, convoque le gambiste Philippe Pierlot et le claveciniste Kenneth Weiss. Ils s’y concentrent exclusivement sur la musique de Johann Sebastian Bach. Dans la belle Église Saint Jean Baptiste de Chantenay-Villedieu, la Sonate en sol majeur BWV 1027 a cependant du mal à s’imposer. Ce n’est guère qu’au troisième mouvement (Andante) qu’apparaît la musique. Après un dernier Allegro magnifiquement rebondissant, les artistes s’attèlent à la Sonate en ré majeur BWV 1028 avec une élégance particulière. Avant de clore cette trilogie, Kenneth Weiss joue précisément le Concerto BWV 971 nach italienischem Gusto évoqué plus haut. Si l’on apprécie la magnifique couleur qui fait la signature de ce grand interprète, on ne croise aujourd’hui son habituelle fiabilité. Enfin, nous retrouvons les deux instrumentistes dans la Sonate en sol mineur BWV 1029 dont le Vivace bénéficie d’une âpreté fascinante que ne dément pas une lecture brillante par son expressivité.

Né la même année que le maître de la Thomaskirsche, Georg Friedrich Händel fut embauché, par le Duc de Chandos, en 1717, sept ans après son installation définitive en Angleterre. Pour lui, il écrivit ses célèbres Anthems. Une partie de sa musique de chambre date de cette époque, tandis que d’autres pièces rares nous viennent de la période romaine.

L’Assemblée des Honnestes Curieux faisait explorer, jeudi après-midi, un répertoire qui demeure assez rare, auquel elle donnait tout son relief grâce à une lecture tant équilibrée que contrastée, sachant projeter les couleurs des divers climats de chaque mouvement avec une pertinence indéniable. Certaines pages peuvent paraître plus méditatives, voire recueillies, mais c’est dans l’ensemble à une écriture jouissivement dramatique que l’on goûte lors de cet excellent concert (on ne peut s’empêcher de penser à l’Agrippina en entendant la Sonate en trio en ut mineur HWV 386a, par exemple). Étrangement, le fait de jouer ces œuvres sur instruments anciens en souligne plus la facture déjà classique que l’esprit peut-être encore baroque. Évoquant des figures de danses, la Sonate en ré mineur HWV 359a s’avère particulièrement réussie. Les Honnestes Curieux sont de jeunes artistes (l’ensemble existe depuis six ans) dont les interprétations se teintent d’une clarté reconnaissable entre toutes.

BB