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Chroniques
Benoît Haller dirige La Chapelle Rhénane
Johann Sebastian Bach | Passio secundum Johannem BWV 245
Benoît Haller et sa Chapelle Rhénane ont conçu une Johannes Passion personnelle dont les solistes se retrouvent dans les parties de chœur. Le résultat s’affirme immédiatement tragique, le drame s’en trouvant magnifié par un tactus leste, un déploiement fluide, voire urgent. D’emblée, l’auditeur est plongé dans une inquiétude crue qui va bien au-delà de la possible théâtralité de l’œuvre – une dimension plus évidente dans cette passion-là que dans la Mattheus – et induit une méditation spirituelle d’une nature avec laquelle le recueillement n’a que faire. C’est l’angoisse qui traversera la musique. Le revers de ce choix est d’oublier où nous nous trouvons, à savoir dans une église à l’acoustique difficile qu’il convient d’apprivoiser plus soigneusement. Plutôt que de se dessiner dans la diligence de son tempo, cette Saint-Jean s’épaissit dans d’indésirables échos, de sorte que les nombreuses incises brèves du chœur sont brouillées, comme d’autres points de détails qui ne se perçoivent même plus. De fait, bien que chanteur lui-même, le chef presse le pas, ne laissant guère respirer ses acolytes. Les voix se tendent, les cordes se contentent d’approximations (en fin de parcours, surtout), si bien que l’exécution, d’abord saisissante, ne tient pas ses promesses. Demeurent des chorals paradoxalement équilibrés, comme en apesanteur.
Du côté des voix, l’on rencontre quelques bonnes surprises. Le très franchement timbré Benoît Arnould (basse) offre à Jésus une profondeur idéale et une exactitude exemplaire ; s’appliquant au Christ rarement le mot justesse aura tant étroitement retenti. Plus nerveux et peut-être moins puissant, le chant d’Alexander Knoop (basse) offre l’avantage d’une couleur délicatement travaillée que l’artiste sait mettre au service de différentes incarnations, jusqu’à celle d’un Pilate des plus efficaces, d’un abord nuancé plutôt qu’ambigu. La clarté du timbre de Stephan Van Dyck (ténor) satisfait. D’abord veloutée dans ces premières interventions, Tanya Aspelmeier (soprano) s’avère ensuite quasiment mozartienne, d’une expressivité discrète dans l’aria de la première partie, en écho au curieux duo flûte-contrebasse qui l’accompagne, puis d’une incroyable pureté dans celle de la fin (n°18), à l’impact souverainement égal, comme l’affirmation toute simple que cette page véhicule. À ses côtés se révèle généreuse la pâte vocale de Silke Schwarz (soprano), magnifiquement phrasée, d’un lyrisme épanoui. On est moins convaincu par la prestation de Julien Freymuth (haute-contre) qui manque de corps et dont la phonation n’est pas toujours stable. Plus onctueuse domine l’aria n°15 de la seconde partie, grâce à l’interprétation luxueusement confortable et dignement sensible de Pascal Bertin (haute-contre), suspendant le public à l’émotion comme à l’agilité.
De l’Évangéliste de Julian Prégardien l’on retiendra un timbre d’une clarté séduisante, une lumière prégnante, des chromatismes somptueusement réalisés, mais des aigus souvent étroits, des soucis de justesse dans la vélocité, un grave plutôt court. Évidentes sont les qualités de ce chanteur auquel, cependant, l’on confie trop tôt cette lourde partie qui, à l’heure actuelle, ne peut que donner une mauvaise idée d’un talent qu’il possède indubitablement grand.
BB