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Chroniques
Blanche-Neige
opéra de Marius Felix Lange
Écrit par les Frères Grimm en 1812 et popularisé par Walt Disney en 1937, Blanche-Neige fut adaptée tardivement à l’opéra par Heinz Holliger (1998), non pas sur le livret adapté du conte mais de la pièce de Robert Walser, relecture contemporaine de l’œuvre où chaque personnage sait à l’avance ce qui doit et va lui arriver.
Représenté sept fois cette saison à l’Athénée après une création à Strasbourg, le présent Blanche-Neige est un opéra pour enfants et adultes dont livret et musique sont écrits par le compositeur berlinois Marius Felix Lange (né en 1968). Le texte est fidèle à l’histoire originale, même s’il emprunte de multiples références au dessin-animé et vient greffer les concepts de folie et de vieillesse au personnage principale (Reine). La folie est évoquée dès le début par le miroir à l’accent belge du chanteur Huub Claessens, et répétée en conclusion dans un passage traduit en français et recourant au dictionnaire des rimes et au calembour : « Reine des belles, reine débile ». La vieillesse est décrite par les recours à la chirurgie plastique, scène où les mots se rapprochent d’ailleurs plus du Faust de Goethe que de ceux des Grimm.
Simple mais efficace, la mise en scène de Waut Koeken magnifie le rôle primordial du miroir dans lequel Blanche-Neige – la jolie Sahara Sloan, à la voix cependant un peu courte – admire son double avant qu’apparaisse la Reine – Marie Cubaynes, assurément le point fort de la soirée – au milieu d’une trentaine de glaces de toutes tailles arrivant de partout en même temps que leur double animé à l’apparence humaine. Cette relation entre un miroir menteur, à la fois pire ennemi et meilleur ami de la Reine, transcrit les rapports d’un couple où chacun tout à la fois se ment, se déteste et s’aime.
Les rôles plus annexes de cet ouvrage mêlant tragique et comique montre le Chasseur – bonne prestation d’Alexander Schuster – qui ramène un cœur en pain d’épice à la Reine, référence à Hänsel und Gretel joué à quelques mètres d’ici [lire notre chronique du 16 avril 2013], des nains n’ayant de nains qu’un chapeau rond et la technique peu pratique de la marche à genou, et un Prince ridicule à la façon de celui de La Grande Duchesse de Gerolstein (Offenbach), mais bien interprété par Guillaume François, qui assure également le rôle de Premier Courtisan. La troupe de l’Opéra national du Rhin est accompagnée par treize musiciens (le nombre magique ?) de l’Orchestre Lamoureux. La direction de Vincent Monteil est bonne et, en dehors du cor, l’ensemble instrumental est solide.
Là où l’opéra d’Holliger présentait une relecture intellectuelle et une musique sérielle ultra contemporaine, très colorée par le Glaßharmonica, la version de Lange oscille entre L’enfant et les sortilèges (Ravel), musique de film (scène des nains en chœur) et comédie musicale. Rien n’est vraiment original dans cette partition qui pourrait être des années cinquante, à quelques accords près ; et malgré la courte représentation (1h20), le recours au Sprechgesang (ou parlé-chanté puisque la soirée est en français) est fréquent et semble cacher un manque d’idées musicales.
Ce moment n’est cependant pas mauvais et donne de quoi rêver à quelques enfants bien bavards qui répondent d’ailleurs en chœur à la question du chasseur « Blanche-Neige est-elle parti ? » par un « oui ! » franc dont il n’avait sûrement guère besoin… mais c’est finalement dans ces instants que le spectacle est agréable : quand l’Humperdinck « sérieusement » joué en face affiche des prix rédhibitoires pour une famille, l’Athénée permet à de nombreux enfants de découvrir un peu les merveilles de l’opéra. Si c’était le pari principal, il est gagné !
VG