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Chroniques
Blank out
opéra de Michel van der Aa
Nous avions déjà vu une pièce de Michel van der Aa, Sunken Garden donnée en 2015 par l’Opéra national de Lyon au TNP de Villeurbanne, après que la même maison ait produit After life [lire notre chronique du 18 mars 2010]. Pour cette première française de son cinquième ouvrage, Blank out, conçu en langue anglaise et créé en 2016 au Muziekgebouw d’Amsterdam, les ingrédients du compositeur sont les mêmes. On retrouve une bonne part d’étrangeté dans l’intrigue, qui peut être laissée pour partie à l’interprétation du spectateur, ainsi que le rôle de premier plan dans le dispositif scénique d’un grand écran, regardé par le public chaussé de lunettes 3D distribuées à l’entrée en salle.
Une femme seule intervient d’abord a cappella, puis son image apparaît à l’écran et encore une deuxième, si bien qu’il s’agit d’un trio vocal entre la même chanteuse. Celle-ci est le soprano Miah Persson, très jolie voix puissante et expressive, sollicitée raisonnablement dans l’aigu, qui assure aussi des dialogues parlés [lire nos chroniques du Rosenkavalier, de L’Incoronazione di Poppea, The turn of the screw, Don Giovanni, Mitridate et Capriccio]. Elle doit préparer, par ailleurs, les diverses pièces d’une maquette de maison, filmées de près par une caméra dont les images sont retransmises en direct sur l’écran. C’est la seule chanteuse réellement sur scène, ce soir, le baryton Roderick Williams ayant été précédemment filmé. Difficulté supplémentaire, la soliste doit donc se synchroniser avec l’image projetée et le son diffusé.
Pour revenir à l’intrigue, une femme se rappelle la disparition de son enfant de sept ans, mort noyé en 1976 sans qu’elle puisse le secourir. Les jeux et espiègleries du petit sont évoqués par des mots, des images, des objets. Le spectacle est essentiellement contenu dans les projections et l’on assiste à beaucoup de va-et-vient entre les séquences vidéo déjà réalisées et les retransmissions en direct. Un enfant court vers une maison isolée dans la campagne. On le retrouve plus tard en homme adulte qui évoque la noyade de sa mère. Il revient dans la maison de son enfance débarrasser celle-ci de son mobilier, de dessins d’enfant et divers objets. La bande d’un grand magnétophone est déroulée sur scène par la femme, en même temps que par l’homme dans le film, cette bande de tissu faisant le lien entre les deux mondes… mais quel est le monde réel ? Les effets 3D sont dignes des meilleurs films catastrophe, lorsque la voiture familiale reçoit plein de cailloux tombés du ciel sur le pare-brise et la carrosserie, ou encore quand la baignoire remplie de galets les projette en direction du public.
La bande sonore est composée d’une majorité de matériaux enregistrés, travaillés informatiquement, en situation avec l’action sur le plateau et à l’écran, par moments davantage des bruitages pour le cinéma. On entend aussi de rares séquences musicales, dont certaines à l’envers, et d’autres très dansantes ; à rapprocher de la techno. À l’issue de cet opus d’une heure et dix minutes, on peut toutefois se poser la question de savoir s’il s’agit vraiment d’un opéra, surtout lorsqu’aux saluts Miah Persson se retourne – un peu gênée – vers l’écran pour faire applaudir l’image du baryton... Le spectacle très abouti techniquement, pièce sans doute plus expérimentale qu’un opéra au sens classique du terme, trouve en tout cas parfaitement sa place dans un festival comme celui d’Aix-en-Provence.
IF