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Chroniques
Bohème, notre jeunesse
spectacle de Pauline Bureau
Nouvelle adaptation en français, inspirée du célèbre chef-d’œuvre de Puccini La bohème – opéra italien créé en France il y a cent vingt ans, à l'Opéra Comique, sous le titre La vie de bohème), Bohème, notre jeunesse traite d'abord d'un départ du foyer parental et de l'acclimatation à la grande ville. En rédigeant, en prologue, une lettre à sa mère, Mimi puise courage, audace et espoir. Son bien-être initial est joliment vanté par l'orchestre des Frivolités Parisiennes, aux toutes premières mélodies soyeuses (en particulier la clarinette). Les thèmes fort connus sont conviés de manière originale, notamment au xylophone et à l'accordéon, par Marc-Olivier Dupin, à la fois respectueux de la syntonie dramatique musicale et créateur de sonorités. Alexandra Cravero dirige la formation de treize musiciens (appelée à évoluer en tournée, selon les théâtres).
Dans son air de présentation au galant Rodolphe, la pauvrette exprime soif de liberté, de découverte et de dissidence, avec le timbre doux et précieux d'une héroïne de conte de fées. Le soprano Sandrine Buendia et le ténor Kevin Amiel font un couple émouvant, exhalant l'amour à la hauteur d'une poésie noble et charmante. La bohème dépouillée, sans ensembles, ni aigreur aux personnages secondaires, reste encore fidèle, en mots et en musique, à son sujet premier, la jeunesse.
Le plateau vocal est fringant, entre le vif et spirituel Schaunard du baryton Ronan Debois, le clair Colline Nicolas Legoux (baryton-basse) et le phénoménal Alcindor, vieux dandy nerveux et plein de verve, campé par Benjamin Alunni (ténor). En Musette, on retrouve avec grand plaisir le soprano de Marie-Ève Munger, joliment arrondi, soigneusement dosé, aux aigus charmeurs et au fort caractère. Sa très admirable petite prière finale ferait presque voir la Sainte Vierge telle qu'au Sacré-Cœur de Montmartre... c'est la meilleure conclusion à la quête collective réalisée sur et par-delà la scène.
Le projet mené par Pauline Bureau (mise en scène, adaptation et traduction) réussit en effet à confier La bohème aux jeunes, parmi les artistes et dans le public. Au prix, certes, de quelques mièvreries peut-être (ces dialogues sentimentaux, assis côte à côte, fleurant leur Disney) et d'allégements certains, voire d’ablations, affectant le carnaval des âmes mû par le livret original de Giacosa et Illica – le peintre Marcel, pourtant très bien défendu par le baryton Jean-Christophe Lanièce, perd beaucoup de son acuité sur l'existence –, toute la force du drame est bien là, avec sa fin poignante, dans une scénographie simple mais habile à recréer en notre monde contemporain le Paris de la fin XIXe siècle, grâce aux costumes lumineux, mais non tape-à-l’œil, d'Alice Touvet et au décor unique d’Emmanuelle Roy, représentant en vertical les aspirations des bohémiens, mais aussi pivotant et bien habillé par la vidéo. Comme Paris manque d'atmosphère et notre jeunesse y perd ses illusions, ramener un grand classique de l'opéra à l'adolescence de l'art paraît fort bienvenu.
FC