Recherche
Chroniques
Britten, Dvořák et Strauss
Karita Mattila, Jiří Bělohlávek, BBC Symphony Orchestra
Depuis deux ans et demi patron du BBC Symphony Orchestra, Jiří Bělohlávek dirige avenue Montaigne une soirée assez inégale, disons-le d'emblée, inégale par le menu comme par la qualité des exécutions. Le répertoire britannique l’ouvre, avec les Four Sea Interludes que Benjamin Britten tira de son Peter Grimes quelques mois après la création. Faut-il, lorsqu'on joue des pages symphoniques extraites d'un opéra, penser l'interprétation dans sa source ou, au contraire, les considérer comme un opus à part entière, devenu indépendant ? La question reste ouverte… Bien que disposant d'un orchestre en possession des moyens expressifs que convoque cette partition, Bělohlávek oscille entre la réminiscence dramatique et la distance instrumentale. Les effets de couleur auxquels il s'adonne dans Dawn et Moonlight demeurent finasseries passagères plus que raffinement ténu, tandis que Storm épuise en vain les pupitres. Brossés à gros traits ses interludes ne convainquent pas.
Suivent les Vier letzte Lieder de Richard Strauss (soulignera-t-on l'étrangeté du programme ?...) qui, au contraire, rencontrent en Bělohlávek une baguette inspirée. Que de souplesse dans l'articulation, de moelleux, et que de présence au discours ! Voilà bien une approche propre à soutenir Karita Mattila, voix idéalement généreuse pour cet ultime opus, malgré un grave que le temps commence à malmener. Après un Frühling qui, à juste titre, n'a d'enthousiasme qu'en sa discrète nostalgie, chanteuse et chef livrent un September serein, un inquiet Beim Schlafengehen, laissant s'éteindre cette première partie dans le définitif Im Abendrot (certes, le vieux maître écrirait encore Malven, de sorte qu'on parlera plus précisément de Cinq derniers Lieder, mais ces mauves ne furent jamais orchestrées – rappelez-vous Renée Fleming accompagnée au piano par Christoph Eschenbach, il y a quelques années). L'écoute est délicatement absorbée par ce crépuscule, ce qui vaut aux artistes une ovation. En toute simplicité, avec la cordiale énergie qu'on lui connaît, Karita Mattila offre une brève mélodie populaire de Finlande – a cappella, s'il vous plait ! –, le refrain de Plaisir d'amour saluant encore le public.
Après ce moment, l'exécution de la Symphonie en mi mineur Op.95 n°9 d'Antonín Dvořák prend des airs de pensum. Reconnaissons-lui l'efficacité des traits solistiques, une joliesse évidente que le chef écoute peut-être un peu trop. Abusant de rubati quand ce n'est pire, Jiří Bělohlávek étire chaque thème, suspend le geste musical et se rue ensuite dans des contrastes dynamiques spectaculaires mais peu soignés. À l'acrylique sur coton, ce Nouveau Monde.
BB