Chroniques

par michel slama

Budapesti Fesztiválzenekar
Johannes Brahms par Iván Fischer

Philharmonie, Paris
- 26 mai 2015
Iván Fischer joue Brahms à la Philharmonie de Paris (2015)
© marco borggreve

« Aimez-vous Brahms ? », s’interrogeait en 1959 la romancière Françoise Sagan. Il est vrai que le compositeur hambourgeois n’a jamais été beaucoup apprécié par les Français, à la différence des autres B chers au cœur des allemands, Bach et Beethoven. C’était donc une gageure que de programmer deux de ses symphonies, certes dans la grande salle de la Philharmonie, mais interprétées par un chef et un orchestre méconnus du grand public.

La salle est pourtant comble et particulièrement attentive à Iván Fischer, à la tête du Budapesti Fesztiválzenekar (Orchestre du Festival de Budapest) qu’il a fondé en 1983, avec le pianiste Zoltán Kocsis. La phalange hongroise occupe la totalité de la vaste scène, les contrebasses isolées du reste des cordes formant un rang à part, sur un étage surélevé, au fond. À leur droite sont installées les timbales, puis les trombones. Cette configuration confère au concert un son particulièrement profond dans les graves qui résonnent de façon très impressionnante. Le son peut paraître un rien réverbéré mais reste fort agréable, surtout pour l’auditeur de face.

L’attaque de la Symphonie en fa majeur Op.90 n°3 pourra sembler lente et manquer de punch, mais c’est visiblement une volonté de Fischer qui, crescendo, va offrir le dramatisme attendu et la vie à cette œuvre phare. On attendrait peut-être plus de mystère, de feu et de passion dans ces pages très fréquentées. Le deuxième mouvement s’étire avec la même rigueur et la même retenue. L’ambiance créée par les Hongrois évoque celle des symphonies de son ami Antonín Dvořák, par ses aspects folkloriques et pittoresques, également chers au cœur du chef. Le fameux troisième mouvement émeut par sa mélancolie et sa nostalgie, sans tomber dans le sirupeux ni l’indifférent. On a rarement entendu des soli d’une telle virtuosité et d’une telle émotion pour ce thème fameux que nos interprètes portent à un sommet rarement atteint. L’Allegro final reste dans la logique du premier, soit un certain détachement qui progressivement s’anime sans pourtant enflammer l’auditoire.

Dans la Symphonie en mi mineur Op.98 n°4, le spectateur n’est plus confronté à ce détachement que le chef hongrois avait souhaité précédemment. Il y a globalement plus de cohérence dans les reprises et la battue est plus engagée, même si les tempi sont à peine plus vifs. Le premier mouvement est ainsi ressenti de façon inégale, trop lent au début, mais passionné et animé d’une grandeur hiératique. Au suivant, la lecture devient par trop analytique et les instrumentistes en solo sont, du coup, mis en difficulté – quelques accroches se font entendre. Les pupitres de violons et violoncelles en arrivent à être décalés. Mais les derniers mouvements rattrapent cette mauvaise impression par leur mise en place. Le final fait figure d’apothéose pour ce concert très acclamé par un public peu avare de bravos.

Après de nombreux rappels, les musiciens du Budapesti Fesztiválzenekar abandonnent leurs instruments et se regroupent au milieu de la scène pour offrir un Gesänge a capella de Brahms de fort belle facture. Incroyable, ces instrumentistes forment aussi un chœur d’exceptionnelle qualité !

MS