Chroniques

par irma foletti

Céline Scheen, Le Banquet Céleste, Damien Guillon
Johann Sebastian Bach, Giovanni Battista Pergolesi

Concerts d’automne / Église Saint-Julien, Tours
- 16 octobre 2020
Céline Scheen et Damien Guillon chantent Bach aux Concerts d’automne de Tours
© remi angeli

Programmés à Tours du 9 au 18 octobre, les Concerts d’automne s’articulent principalement autour des deux week-end, avec des rendez-vous de la meilleure qualité. Ainsi est-ce à un menu Johann Sebastian Bach que nous convie Le Banquet Céleste, formation instrumentale et vocale créée en 2009 autour du contre-ténor Damien Guillon [lire notre chronique du 13 novembre 2014]. Les artistes reçoivent dans l’Église Saint-Julien où des silhouettes aux effigies de Clara Schumann et de Beethoven ont été placées sur les chaises à intervalles réguliers, afin de séparer les groupes de spectateurs et œuvrer pour la distanciation physique. Ces portraits imprimés sur plaques deviennent des spectateurs parfaits d’immobilité et de silence pendant le concert – on apprécie, en tout cas, ce clin d’œil original, moyen plutôt réjouissant de lutter contre le Covid-19.

Le sourire est aussi fort présent dans l’interprétation visuelle du soprano Céline Scheen de la cantate Ich bin vergnügt mit meinem Glücke BWV 84 (Je suis satisfait de mon bonheur). L’intonation est précise, la voix est souple et se prête bien à l’agilité de la partition de Bach, mais le volume n’est toutefois pas toujours égal entre des attaques mordantes et certaines fins de phrases plus discrètes, surtout dans le registre grave. Il faut dire que l’appréciation de la puissance demande un petit temps d’adaptation à l’auditeur, la voix paraissant partir dans les hauteurs de l’édifice, tandis que les musiciens bénéficient d’emblée d’une acoustique plus favorable, à la fois chaleureuse et très agréable. Les instrumentistes font un sans-faute (premier et deuxième violons, alto, violoncelle, contrebasse, hautbois et un musicien tenant l’orgue et le clavecin).

Déjà très sollicité dans la première cantate, le hautboïste Emmanuel Laporte l’est plus encore dans Ich habe genug BWV 82 qui s’ensuit. Il produit un déroulé et une virtuosité impeccables, aux côtés de cordes pleines de sentiment. C’est, cette fois, Damien Guillon qui prend la place du soliste et dirige également de son pupitre en donnant les départs. Le contre-ténor est doté d’une grande musicalité et développe magnifiquement sa ligne vocale sur le souffle. Le premier récitatif trouve son espace naturel dans l’église, puis Schlummert ein est un moment de grâce par la délicatesse et l’équilibre idéal entre voix et instruments. Plus que voix et musiciens, Damien Guillon et le Banquet Céleste ne forment alors plus qu’un au service de la sublime partition de Bach. Le chanteur fait aussi preuve d’abattage dans les vocalises de la dernière partie, Ich freue mich auf meinen Tod, même si l’orchestre prend un peu le dessus.

Le troisième ouvrage de la soirée convoque les deux solistes, mais aussi deux compositeurs. Il s’agit de Tilge, Höchster, meine Sünden BWV 1083 de Bach, adaptation du Stabat Mater de Giovanni Battista Pergolesi, avec des textes en allemand. Réduite aux sept musiciens présents, l’orchestration enveloppe l’espace avec richesse et clarté du son, amenant des nuances forte-piano appréciables – par exemple, par certains coups d’archet plus vigoureux du premier violon. On goûte également à l’intelligibilité du texte et à l’équilibre entre les deux voix qui, tour à tour, se répondent, partent en décalé, s’entremêlent ou s’expriment ensemble. Céline Scheen montre cette fois une belle autorité sur toute la tessiture, tandis que Damien Guillon mène l’ensemble à bon port, se tournant par moments vers ses collègues pour indiquer les départs. On apprécie également les forts contrastes entre les passages plus doloristes et certaines séquences sautillant dans le rythme. Au bilan, une somptueuse interprétation de cette adaptation qui met à nouveau en évidence l’extrême cohésion entre tous ces artistes qui se produisent ensemble depuis de nombreuses années.

IF