Chroniques

par david verdier

cantates et motet
Monteverdi Choir, English Baroque Soloists

Cité de la musique, Paris
- 6 avril 2013

Après les œuvres concertantes [lire notre chronique de l’après-midi], c'est au tour de la voix chorale et soliste d'occuper la scène. Signalons-en la modification de l'espace, avec la position latérale du plateau qui améliore sensiblement l'acoustique et la projection du chœur. Grand triomphateur de cette soirée, le Monteverdi Choir mérite les éloges adressés par un public conquis d’avance. À la veille d'une Messe en si exceptionnelle, les voix s'exercent avec le chatoiement et le brio qu'on leur connaît dans le premier des six motets, Singet dem Herrn ein neues Lied BWV 225. La franchise de l'élan et de l'intonation projette la phrase initiale du double chœur en une pluie d'étoiles. Les voix tantôt se rapprochent, tantôt s'éloignent les unes des autres, se répartissant autour d'une écriture extrêmement dense et complexe. La louange au créateur procède d'une marqueterie de notes que John Eliot Gardiner se plait à isoler en des lignes virtuoses d'une très grande caractérisation. La courbure qu'il imprime à la plasticité naturelle du chœur est d'une beauté à couper le souffle, même si on ne peut s'empêcher de penser à ce que cela sous-entend d'efforts et d'abnégation.

Véritable aria spirituelle, la cantate Ich habe genug BWV 82 déroule ses phylactères autour de l'idée d'accomplissement, point de non retour d'une joie céleste dans l'idée que tout est accompli. Peter Harvey n'a pas les honneurs du livret de présentation, mais il en faudrait davantage pour ternir sa prestation – bien aidée, il faut le préciser, par l’oboe da caccia du fidèle Michael Niesemann. Les volutes harmoniques sont fondées sur des répétitions de motifs lancinants d'une beauté sans nom, à laquelle la force du geste de Gardiner donne un profil d'une grande stabilité. Tout au plus aurait-on apprécié çà et là moins d'urbanité dans des récitatifs bien éloignés de la teneur du message qu'ils renferment.

La cantate de jeunesse Christ lag in Todesbanden BWV 4 conclut la soirée par une magistrale démonstration de discipline chorale. Entre exubérance et exultation, la montée vers l'éclatement syllabique de l’Halleluja est d'une réalisation sans le moindre défaut. La vision du chef anglais tend à unifier cette série de chorals plutôt que de reproduire un modèle établi. La symétrie des interventions solistes y manifeste un archaïsme formel d'une certaine austérité de ton, à la différence des maniérismes déployés dans l'écriture. On se permettra de mettre au dessus de tout le troisième verset, au génie théâtral affirmé par l'effet quasi-visuel de ce silence pour signifier la victoire du Christ sur la mort. Le modelé et le ciselé de l'instrument choral fait du Monterverdi Choir le seul ensemble capable de réaliser l'architecture de « Wir essen und leben wohl ».

DV