Recherche
Chroniques
Capriccio
opéra de Richard Strauss
À l’occasion du Jubilé 2014, les Richard Strauss Tage de Dresde proposent concerts symphoniques, Liederabende, soirées de ballet (Josephslegende Op.63) et opéras, dont deux pièces de résistance, Arabella et Capriccio, menées par Christian Thielemann, directeur musical de la Semperoper. La première reprenait la nouvelle production présentée au Salzburger Osterfestspiele en avril (Festival de Pâques), par Thomas Hampson (Mandryka), la très prometteuse Hanna-Elisabeth Müller (Zdenka) et Renée Fleming dans le rôle-titre, avant que cette dernière annule (Anja Harteros la remplace), annonçant qu’elle limiterait désormais les représentations.
Dans Capriccio, Renée Fleming est bien présente et, une fois de plus, se consacre à un l’un de ses rôles fétiches, pour lequel elle a laissé plusieurs enregistrements vidéos. La voix inquiète d’abord par le manque de clarté et la tenue fragile, surtout dans le médium, mais la grande artiste sort de sa réserve et magnifie le plus beau passage de l’opéra, tenant avec luminosité et subtilité la Schlussszene de bout en bout (plus de vingt minutes).
Autour d’elle, la distribution de haut niveau est digne d’une soirée de gala. Déjà présent hier dans Daphne [lire notre chronique de la veille], Georg Zeppenfeld (La Roche) est encore plus brillant et, dans son grand air, surprend toujours par tant de contrôle et de perfection. Le Comte de Christoph Pohl retient également l’attention ; acteur crédible, le chanteur possède une prononciation excellente et un timbre agréable. Des deux polémistes, l’Olivier d’Adrian Eröd surpasse le Flamand de Steve Davislim. On put reprocher au baryton de surjouer parfois [lire notre chronique du 14 août 2014] ou, à l’inverse, de manquer de brio dans ce rôle [lire notre chronique du 8 septembre 2012], mais le voilà quasiment irréprochable. Le ténor a, lui aussi, l’abattage correspondant au personnage du musicien, mais le style est moins subtil et les aigus parfois malaisés. Daniela Sindram chante et joue parfaitement Clairon, avec la dynamique et l’espièglerie attendues. Moins vocal que sa comparse Christina Poulitsi, le Chanteur italien de Manuel Nuñez Camelino laisse un sentiment mitigé, en partie à cause du timbre parfois flou, mais aussi par le style. Quant à Johannes Preißinger (Monsieur Taupe) et à Bernd Zettisch (Majordome), ils s’accordent pleinement à leur emploi.
La mise en scène de Marco Arturo Marelli, réalisée en 1993, n’a presque rien à dire. Les décors simplistes sont nettement moins beaux que dans sa production de Vienne (disponible chez Unitel). Ils se composent de deux demi-cercles blancs en guise de mur et d’un cylindre de verre en haut du centre, dans lequel trône une chaise pour la comtesse. À gauche, un clavecin bleu-vert pâle et, contre le mur, de pâles chaises bleues. La dramaturgie (Hella Bartnig) ne propose rien que de classique, avec des chamailleries entre coupleset de petits effets, comme le Chanteur italien crachant dans le verre à vin qu’il offre ensuite mielleusement à sa consœur. Les costumes de Dagmar Niefind-Marelli n’en ajoutent pas plus, parfois très classiques comme les robes ou légèrement ridicules pour ceux des hommes, surtout pour les deux manteaux zébrés de Flamand et Olivier.
Comme il se doit, la Staatskapelle Dresden est l’attrait principal de la soirée. De prime abord, frappe un son qui, sous la baguette de Christian Thielemann, n’a rien en commun avec celui de la veille. Il a perdu sa légèreté et de cristallin ne garde que ce que lui accorde un chef contrôlant tout, qui retient chaque respiration pour la faire avancer exactement comme il l’entend. Cela pourra surprendre, voire déplaire – comme dans Der Rosenkavalier, le printemps précédent [lire notre chronique du 16 juin 2013] –, surtout à l’Ouverture, lyrique mais trop appuyée, bien que Thielemann livre à eux-mêmes les premiers pupitres de cordes, sans la moindre battue. Passé ce prélude, il développe chaque phrase avec netteté, conduit un délié marqué entre chaque note, jusqu’à un résultat très personnel, proche du style des années cinquante (qu’on connait au disque) mais « moderne » par l’approche globale et le dessin de certaines phrases. Quand la symbiose est telle qu’orchestre et chef ne font qu’un, la scène finale trouve une sensibilité si forte qu’elle laisse un sentiment d’accomplissement total.
VG