Chroniques

par hervé könig

Capriccio
opéra de Richard Strauss

Garsington Opera
- 28 juin 2018
Capriccio de Richard Strauss au festival britannique Garsington Opera 2018
© johan persson

Après deux premières soirées à Grange Park Opera [lire nos chroniques du 26 et du 27 juin 2018], poursuivons cette immersion dans les festivals lyriques anglais en retrouvant le théâtre éphémère de Garsington où l’été dernier nous découvrions le Pelléas et Mélisande de Michael Boyd [lire notre chronique du 1er juillet 2017]. En collaboration avec l’Opéra de Santa Fe (USA), Garsington produit Capriccio, l’ultime opéra de Strauss (1942), qu’il confie à Tim Albery. Avec le scénographe Tobias Hoheisel, celui-ci a imaginé de transposer l’intrigue au milieu des années cinquante, dans une villa contemporaine dont la gracieuse sophistication s’érige autour d’un salon rococo, sans doute héritage familial. Plutôt que de s’inscrire dans le respect littérale du livret (Clemens Krauss), avec le XVIIIe siècle français, ou dans l’actualité de l’œuvre – Brigitte Fassbaender, Dávid Márton et Robert Carsen s’y complurent avec plus ou moins de réussite [lire nos chroniques du 1er février 2018, du 7 mai 2013 et du 8 septembre 2012] –, sa mise en scène se situe donc dans les cicatrices de la guerre, encore récente mais terminée, laissant planer comme un souffle d’espionnage dans les relations complexes des personnages. Une ironie mordante est au rendez-vous, qui provoque la bonne humeur du public.

Au pupitre, Douglas Boyd, chef actuel de l’Orchestre de chambre de Paris, également directeur artistique de Garsington Opera, révèle un grand amour pour la musique de Strauss et cet opéra en particulier. Il la sert avec passion et maîtrise, au fil d’une lecture qu’il rendle plus clair possible. Son interprétation n’atteint certes pas la couleur spécifique, de toute façon inimitable, qu’elle gagne toujours sous les archets d’outre-Rhin, mais se distingue constamment par d’autres qualités, notamment la ciselure des vents.

Le niveau d’excellence du plateau vocal force l’admiration et appelle les hourras ! En Comtesse, Miah Persson signe une prise de rôle extraordinaire. Avec un phrasé ample, souple et majestueux, le soprano suédois habite une incarnation à peine distante, mystérieuse et discrète. L’efficacité du parlando – il fait l’essentiel de conversation en musique, tout de même – est un vrai bonheur, puis la libération d’un lyrisme aérien, pour finir. Avec la maturité du timbre et la possession technique de ses moyens, la chanteuse n’a pas à rougir au souvenir de ses illustres devancières. Elle nous charme et nous émeut, avec un grand naturel.

Toujours soigneusement musical, le Flamand de Sam Furness s’accroche dans un ténor vindicatif, d’une vaillance nette. Chantant lui aussi le mieux qui soit, le baryton Gavan Ring livre un Olivier plus posé, au timbre subtilement ambré. Le contraste entre les rivaux est idéal. Andrew Shore fait un véritable tabac en La Roche épicé autant qu’évident. Il compose un personnage drôle qui retient l’attention. L’autorité du Comte revient à la prestance sans faille de William Dazeley. Si l’on a quelques réserves sur la Clairon d’Hanna Hipp, il faut féliciter le Majordome impeccable de Benjamin Bevan, ainsi que le couple italien, le ténor Caspar Singh et le soprano Nika Gorič, très bien distribués. Mais qui est donc Monsieur Taupe ?... Avec beaucoup de plaisir, Graham Clark campe un truculent souffleur. Grande soirée, donc !

HK