Chroniques

par bertrand bolognesi

Carlos Roque-Alsina
entre aria (1955) et Ayacito (2012)

Ambassade d’Argentine, Paris
- 5 février 2015
le compositeur argentin Carlos Roque-Alsina, né en 1941
© dr

De Carlos Roque-Alsina l’on garde en oreille plusieurs pages d’orchestre découvertes à Metz, lors des défuntes Rencontres internationales de musique contemporaine qu’en 1972 y avait inventées le compositeur et pédagogue Claude Lefebvre. Ainsi se souvient-on de Luca Pfaff créant la Symphonie n°1 il y a trente ans, ou encore de la première deSuite indirecte sous la battue d’Hans Zender, en 1989 (l’une des dernières éditions de ce festival). Après D’un récit oublié et sa Symphonie n°2 que révèlent respectivement les voix du Groupe Vocal de France et l’Orchestre de Paris, l’année de ses soixante ans, l’œuvre du musicien argentin semble se faire plus rare. Cette soirée au salon de la rue Cimarosa brosse un portrait à travers quelques opus chambristes.

À commencer par Aria (1955), pièce écrite pour violoncelle seul par un élève compositeur de quatorze ans dénommé… Carlos Roque-Alsina ! Elle fut oubliée, perdue même, puis retrouvée de façon relativement rocambolesque. Encore n’avait-elle jamais été jouée en public. David Simpson lui donne donc le jour. L’inspiration en est toute respectueuse des leçons du passé. En sus d’une œuvre pour grand orchestre que lui avait commandée Claude Samuel pour son Festival international d'art contemporain de Royan, comme il en prit l’habitude, Roque-Alsina livre Unity pour clarinette et violoncelle, que le compositeur lui-même qualifie de « divertissement inspiré de cette vièle indienne à archet appelée sarangi, violoncelle ancestral dont j’ai cherché à rendre la couleur particulière ». Un motif de quatre notes en constitue le fil rouge, traversé de multiples glissandos qui datent assez précisément l’écriture. L’anche de Louis-Vincent Bruère fait une entrée en multiphoniques de train-fantôme, et bientôt l’on goûte un jeu de relais entre l’aigu du bois et des harmoniques de cordes. Encore Unity aura-t-elle recourt à la voix humaine, celle des instrumentistes qui ponctuent leur jeu de quelques remarques.

Après une interprétation délicate de Danseuses de Delphes et brillante de Feux d‘artifice (Debussy, Préludes I,1 et II,12) sous les doigts de l’excellent pianiste Roque-Alsina, un écran accueille la projection du film de la création de Tan Tango (2001) : comprendre « tellement tango », une pièce que le compositeur s’est amusé à écrire à dix-sept thèmes. Son dédicataire Alexis Galpérine en dit encore quelques mots, avant la reprise du concert lui-même par deux mouvements du Klavierstück n°7 où l’auteur se souvient de la toute fin des années cinquante, y compris dans le geste final, très Sacre du printemps. Enfin, c’est avec Ayacito (2012) pour contrebasse et sons fixés que les artistes prennent congés ; nous y entendons Yann Dubost. Grands intervalles généreusement vibrés, percussion à même la caisse et contrastes tranchés s’ébattent sur une « bande » qui scande diverses atmosphères plus ou moins bruitistes : une recherche inscriptible à la fin du mouvement qu’on appelait « musique concrète » et dans la préhistoire de l’Ircam. Ce programme célébrait la sortie d’un nouveau CD (chez Promise Land) comprenant les pages ici jouées, ainsi que Belgirate et Belcanto.

BB