Recherche
Chroniques
Carole Petitdemange, violoniste
œuvres de Beethoven et Schubert
Puisque le Festival de Pâques de Deauville se veut (et depuis 1996, avec un flair étonnant, il l’est) un révélateur de talents, parlons de Carole Petitdemange. D'aucuns diront que ce n'est pas là découverte véritable. Certes. Elle a même déjà un joli parcours derrière elle. Certains la connaissent d'ailleurs très bien, les autres la reconnaitront sans doute comme l'une des deux violonistes du Quatuor Ardeo.
Certes. Certes. Certes. Tout cela est vrai. Mais tout bien réfléchi, la véritable qualité du Festival de Pâques réside moins dans la ribambelle de jeunes musiciens qui s'y produisent, souvent pour la première fois, que dans leur interaction avec leurs aînés et dans la manière dont ceux-ci les prennent sous leur aile pour leur faire faire les premiers pas dans le métier.
En l'occurrence, Carole Petitdemange s'avère un excellent mentor et, à la seule force de son charisme, elle a sauvé la soirée. Avec le reste des Ardeo, c'est à elle qu'il incombe d'ouvrir le concert : dure entrée en matière avec le Quartettsatz en ut mineur D.703 de Schubert. Au second violon, elle forme avec sa compagne altiste Caroline Donin un cœur de quatuor homogène et rond, une fondation idéale au développement des idées musicales de l'ensemble. Si le résultat, imparfait et manquant de brillant, n'est pas à la hauteur des espérances, c'est sans doute à mettre sur le compte de la petite forme d'Olivia Hughes, au premier violon. Saluons son courage et son cran : elle joue malgré une douloureuse chute survenue un peu plus tôt dans la journée, qui lui laisse le corps endolori. Ces douleurs excusent sans doute aussi sa performance un brin décevante dans le Trio en ré majeur Op.70 n° 1 « Les esprits » de Beethoven –elle n'est d'ailleurs pas aidée non plus par le tout jeune violoncelliste Victor Julien-Laferrière qui, malgré une technique prometteuse, n'est pas le plus subtil des chambristes.
Après l'entracte, revoilà Carole Petitdemange pour un moment musical d'une grande finesse : le Trio en si bémol majeur pour piano et cordes D.898 (Op.99) de Schubert. Entraînant dans son sillage le piano cristallin d'Adam Laloum et le violoncelle discret et plein de tact d'Yan Levionnois, elle met tout son charisme au service d'un Schubert léger et pétillant, plein de vie. Dans le premier mouvement, l'intelligence de l'agogique enchante, entre malice et expressivité, ainsi que la gracieuse nonchalance qui se dégage du deuxième thème. Dans le mouvement lent, si ses deux compagnons tirent la couverture à eux dans un geste presque brahmsien, elle parvient néanmoins, par la beauté soyeuses des phrasés, à les ramener à plus de sobriété. Le Scherzo qui suit est un petit bijou qu'on n'hésitera pas à qualifier de gouldien : charmant et pastoral, le discours est limpide et évident, non dénué d'une pointe bienvenue de cérébralité qui rappelle l'humour anglais. Quant au Finale, malgré quelques ratés (qui seront effacés pour le bis), il est stylistiquement parfait, joueur et sans affect. Chambriste indéniablement douée, cette jeune violoniste est à suivre au plus près.
JS