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Chroniques
Cazzati par A sei voci
Pergolesi et Vivaldi par Stradivaria
Si le lieu de prédilection des concerts Sinfonia demeure l'Abbaye de Chancelade, le festival investit également l'Église de Bassillac, le Musée du Périgord, l'Abbaye de Brantôme ou encore l'Église Saint-Étienne de la Cité (Périgueux). Ainsi dans cet édifice désormais incomplet du XIe siècle (toute une partie fut détruite lors des guerres de religion) entendons-nous deux ensembles bien connus du public fervent des programmations baroques. L'ancienne cathédrale (en activité jusqu'en 1669) offre une acoustique difficile qui ne permet pas toujours de goûter pleinement la qualité des prestations, les phénomènes de rotation du son, d'écho ou de retard venant souvent troubler la perception des attaques. Il convient donc aux artistes de s'adapter à la générosité maladroite de l'église en cherchant les aménagements spatiaux qui pallieront ses désavantages.
En déplaçant quelques choristes et en remettant en question la dynamique de sa lecture, Bernard Fabre-Garrus sut tirer partie de cette contingence pour donner au mieux le Requiem de Maurizio Cazzati (vendredi soir) que nous avions eu le plaisir d'entendre sous sa battue à Sablé l’an dernier [lire notre chronique du 25 août 2004], ce n’est guère le cas de Daniel Cuiller lors du programme italien qu'il dirige mardi.
Saluons cependant le chant très incarné du contreténor Martin Oro qui habite théâtralement le Salve Regina de Pergolesi comme les Stabat Mater et Nisi Dominus de Vivaldi. Issue d'une culture ancienne, cette musique ose regarder la mort avec courage et pitié, ce que semble affirmer le soliste argentin par un art qui sait se faire sacré en gardant une assise des plus terrestres. Légèrement tendue dans les premières pages de l'œuvre du Napolitain, la voix se libère avantageusement dans celles du Vénitien, assumant magnifiquement la vocalité virtuose somptueusement ornée du Nisi Dominus dans une souple égalité d'émission.
En revanche, plus problématiques s’avèrent les exécutions de concerti. Dans le Concerto en si bémol majeur de Pergolesi, Daniel Cuiller, ayant à lutter avec une vélocité jamais véritablement atteinte, ne propose qu'une couleur dans une articulation plutôt raide et sans nuances, tandis que Stradivaria connaît des soucis de justesse qui ne reflètent pas fidèlement ses qualités habituelles. Le Concerto en sol mineur extrait des Quatre saisons n’est pas plus concluant.
Il est incontestablement intéressant de pouvoir jauger l'évolution d'une interprétation. Ainsi, la lecture des Missa e salmi per li defunti de Cazzati semble-t-elle s'être largement assouplie avec le temps, tout en affirmant plus encore le sens dramatique de l'œuvre. Si Carolina Gauna est tout à fait satisfaisante dans les ensembles, un timbre chaleureusement coloré mais étrangement émis, ainsi qu'une diction imprécise, nous interrogent dès qu'elle intervient à découvert. L'alto Jean-Louis Comoretto semble avantagé par l'acoustique, tandis que le ténor Stéphan Van Dyck s'y noie dans des confidences lointaines, à l'inverse d’Hervé Lamy dont le cuivre envahit aisément l'espace. Applaudissons particulièrement le travail de Stéphan Imboden qui use avec expressivité et élégance d'un timbre attachant.
BB