Chroniques

par bertrand bolognesi

champs libre Helmut Lachenmann par Linea
création de Nahe zu fern de Frédéric Kahn

Salle Mozart, Strasbourg
- 29 avril 2005
le jeune compositeur Frédéric Kahn, photographié par M.F. Garaudet
© mf.garaudet

Si la première saison Champs libres de l'ensemble Linea [lire notre dossier consacré à son chef Jean-Philippe Wurtz] offrait de découvrir des compositeurs rares sous leurs cieux, qu'ils soient ouzbeks, coréens, palestiniens, japonais ou kazakhs, tout au long d'une programmation soulevant des thématiques tant musicales et esthétiques qu'historiques ou politiques, plus largement culturelles, la seconde édition propose de placer des œuvres de jeunes créateurs dans la proximité de celles d'ancêtres récents, comme pour souligner la continuité de la musique, dans des chemins différents et personnels. Ainsi le public strasbourgeois assistera-t-il à des portraits dans lesquels viendra s'insérer la création, les travaux des élèves d'Ivan Fedele (CNR de Strasbourg) côtoyant Pierre Boulez, l'œuvre de Filippo Zapponi celle de Karlheinz Stockhausen, Jin-Ah Ahn croisant Iannis Xenakis. Ce soir, la première audition de Nahe zu fern de Frédéric Kahn vient ponctuer un parcours à travers des pièces chambristes de Lachenmann.

La clarinette ouvre le feu par Dal niente, une invitation, comme souvent chez Helmut Lachenmann, à se concentrer sur des sons d'une délicatesse et d'une fragilité déconcertantes. Jouant volontiers d'une circulation hésitante entre des sonorités plus affirmées et l'impalpable et hasardeuse périphérie du sonore, la pièce convoque une virtuosité non spectaculaire, reposant surtout sur la diversité d'effets, en général discrets, que Thomas Monod honore d'une précision louable. À ce troisième volet du cycle des Intérieurs succède l'aîné, Intérieur I, dans lequel le percussionniste Michael Pattmann s'ingénie à colorer son jeu par l'utilisation de différentes baguettes et même des mains. Ici, la performance, plus lisible, se fait directement séductrice.

Convoquant clarinette, alto, violoncelle et vibraphone, Nahe zu fern de Frédéric Kahn [photo] est une brève prolifération où les paramètres de temps se contaminent jusqu'à s'annuler ou se régénérer, où les plans se superposent, se bousculent, se démultiplient ou se court-circuitent, en un geste d'une grande énergie. Dans ce voyage à travers l'univers dense et faussement ascétique au baroquisme inversé de Lachenmann, la fluidité un rien fébrile de cette œuvre offre une respiration assez idéale.

Après un bref entracte, nous retrouvons Benjamin Carat dans Pression pour violoncelle, qui date de la fin des années soixante, comme toutes les pièces empruntées au catalogue de Lachenmann ici jouées. Essai de musique concrète instrumentale, celle-ci accuse assez lourdement les limites de sa démarche, loin du raffinement souvent rencontré dans le travail de l'auteur. L'interprète en assume fidèlement les choix. Pour finir, Vincent Roth (alto), Thomas Monod (clarinette) et Michael Pattmann (percussions) donnaent brillamment Trio fluido.

BB